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BAU_1/BAU123
Charles BAUDELAIRE
LES FLEURS DU MAL
1857-1861
FLEURS DU MAL
CXIX
Allégorie
C’est une femme belle et de riche encolure, 12
Qui laisse dans son vin traîner sa chevelure. 12
Les griffes de l’amour, les poisons du tripot, 12
Tout glisse et tout s’émousse au granit de sa peau. 12
5 Elle rit à la Mort et nargue la Débauche, 12
Ces monstres dont la main, qui toujours gratte et fauche, 12
Dans ses jeux destructeurs a pourtant respecté 12
De ce corps ferme et droit la rude majesté. 12
Elle marche en déesse et repose en sultane ; 12
10 Elle a dans le plaisir la foi mahométane, 12
Et dans ses bras ouverts, que remplissent ses seins, 12
Elle appelle des yeux la race des humains. 12
Elle croit, elle sait, cette vierge inféconde 12
Et pourtant nécessaire à la marche du monde, 12
15 Que la beauté du corps est un sublime don 12
Qui de toute infamie arrache le pardon. 12
Elle ignore l’Enfer comme le Purgatoire, 12
Et quand l’heure viendra d’entrer dans la Nuit noire, 12
Elle regardera la face de la Mort, 12
20 Ainsi qu’un nouveau-né, — sans haine et sans remord. 12
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