La Haine Du Soleil |
À Mademoiselle Louise Read.
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Un soir, j'étais debout, auprès d'une fenêtre… |
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Contre la vitre en feu j'avais mon front songeur, |
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Et je voyais, là-bas, lentement disparaître |
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Un soleil embrumé qui mourait sans splendeur ! |
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C'était un vieux soleil des derniers soirs d'automne, |
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Globe d'un rouge épais, de chaleur épuisé, |
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Qui ne faisait baisser le regard à personne, |
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Et qu'un aigle aurait méprisé ! |
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Alors, je me disais, en une joie amère : |
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« Et toi, Soleil, aussi, j'aime à te voir sombrer ! |
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Astre découronné comme un roi de la terre, |
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Tête de roi tondu que la nuit va cloîtrer ! » |
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Demain, je le sais bien, tu sortiras des ombres ! |
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Tes cheveux d'or auront tout à coup repoussé ! |
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Qu'importe ! j'aurai cru que tu meurs quand tu sombres ! |
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Un moment je l'aurai pensé ! |
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Un moment j'aurai dit : « C'en est fait, il succombe, |
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Le monstre lumineux qu'ils disaient éternel ! |
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Il pâlit comme nous, il se meurt, et sa tombe |
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N'est qu'un brouillard sanglant dans quelque coin du ciel ! » |
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Grimace de mourir ! grimace funéraire ! |
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Qu'en un ciel ennuité chaque jour il fait voir… |
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Eh bien, cela m'est doux de la sentir vulgaire, |
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Sa façon de mourir ce soir ! |
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Car je te hais, Soleil, oh ! oui, je te hais comme |
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L'impassible témoin des douleurs d'ici-bas… |
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Chose de feu, sans cœur, je te hais comme un homme ! |
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L'être que nous aimons passe et tu ne meurs pas ! |
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L'œil bleu, le vrai soleil qui nous verse la vie, |
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Un jour perdra son feu, son azur, sa beauté, |
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Et tu l'éclaireras de ta lumière impie, |
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Insultant d'immortalité. |
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Et voilà, vieux Soleil, pourquoi mon cœur t'abhorre ! |
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Voilà pourquoi je t'ai toujours haï, Soleil ! |
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Pourquoi je dis, le soir, quand le jour s'évapore : |
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« Ah ! si c'était sa mort et non plus son sommeil ! » |
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Voilà pourquoi je dis, quand tu sors d'un ciel sombre : |
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« Bravo ! ses six mille ans l'ont enfin achevé ! |
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L'œil du cyclope a donc enfin trouvé dans l'ombre |
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La poutre qui l'aura crevé ! » |
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Et que le sang en pleuve et sur nos fronts ruisselle, |
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A la place où tombaient tes insolents rayons ! |
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Et que la plaie aussi nous paraisse éternelle |
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Et mette six mille ans à saigner sur nos fronts ! |
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Nous n'aurons plus alors que la nuit et ses voiles, |
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Plus de jour lumineux dans un ciel de saphir ! |
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Mais n'est-ce pas assez que le feu des étoiles |
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Pour voir ce qu'on aime mourir ? |
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Pour voir la bouche en feu par nos lèvres usée |
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Nous dire froidement : « C'est fini, laisse-moi ! » |
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Et s'éteindre l'amour qui, dans notre pensée, |
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Allumait un soleil plus éclatant que toi ! |
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Pour voir errer parmi les spectres de la terre |
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Le spectre aimé qui semble et vivant et joyeux, |
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La nuit, la sombre nuit est encore trop claire… |
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Et je l'arracherais des cieux ! |
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