Métrique en Ligne
BAR_1/BAR17
Jules BARBEY D'AUREVILLY
Poussières
1854
Si tu pleures jamais, que ce soit en silence ; 12
Si l'on te voit pleurer, essuie au moins tes pleurs ! 12
Car tu ne peux trouver au fond de ta souffrance 12
Le calme fier qui naît des injustes douleurs. 12
5 Non ! tu ne le peux pas. Si ta vie est brisée, 12
Qui me brisa le cœur où tu vivais ? Dis-moi, 12
Dis-moi qui l'a voulu, si je t'ai délaissée ? 12
Tes pleurs amers et vains n'accuseraient que toi ! 12
Les femmes sont ainsi ! Que je t'eusse trahie, 12
10 Tu reviendrais m'offrir à genoux mon pardon. 12
Si tu m'aimais, pourquoi cette triste folie 12
D'implorer de l'amour la fuite et l'abandon ? 12
Mon orgueil t'obéit sans risquer un murmure. 12
A ce monde sans cœur je cache mes regrets ; 12
15 Sous un dédain léger je voile ma torture, 12
Et si bien — que toi-même aussi t'y tromperais ! 12
Et tu m'aimas pourtant ! Amour triste et rapide ! 12
Ne me semblait-il pas le plus profond des deux ? 12
Sans moi de quel bonheur étais-tu donc avide, 12
20 Puisqu'avec moi jamais tu n'avais l'air heureux ? 12
Mais à présent sans moi plus heureuse, j'espère, 12
Si tu penses parfois à celui qui t'aimait, 12
Ne te repens-tu pas d'avoir fait un mystère 12
Du mal que tu cachais et qui l'inquiétait ? 12
25 Et si tu t'en repens, cache-le dans ton âme. 12
Tout n'est-il pas, hélas ! entre nous consommé ? 12
O toi qui n'eus jamais l'abandon d'une femme, 12
Reste ce que tu fus, ô blond Sphinx trop aimé ! 12
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