Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
LES STALACTITES
1843-1846
A Olympio
C'est peu qu'avec son lait une mère amazone
M'ait fait sucer encor cet orgueil qui t'étonne.
Racine.
O poëte ! courbé sur mon œuvre lyrique, 12
Ambitieux du ciel, 6
Je veux savoir par moi la hauteur chimérique 12
Où peut monter Babel. 6
5 Je ferai fourmiller dans mes architectures, 12
Tenace en mon dessein, 6
Le chœur éblouissant des mille créatures 12
Qui vivent dans mon sein. 6
Je veux voir de mes yeux l'Olympe dont la neige 12
10 Blanchit le front chenu, 6
Et les Grâces que suit Éros, riant cortège, 12
Folâtrer le sein nu ! 6
Comme dans les combats du superbe Encelade, 12
Ardent comme un lion, 6
15 Si ce n'est point assez d'Ossa pour l'escalade, 12
J'y mettrai Pélion. 6
J'irai jusques au ciel, dans ses voûtes profondes, 12
Lui voler pour mes vers 6
Le rhythme qu'en dansant chantent en chœur les mondes 12
20 Qui forment l'univers. 6
Je boirai le nectar de la force première, 12
Et dans la main du dieu, 6
Impassible titan, chercheur de la lumière, 12
J'irai voler le feu. 6
25 Alors, vous que j'ai faits et d'une fange vile 12
Et de ce qui m'est cher, 6
Vous vivrez de ma vie, ô colosses d'argile, 12
Et vous vous ferez chair ! 6
Vous vivrez, ô mes fils ! et comme d'un jeune arbre 12
30 On secouerait les fleurs, 6
Moi je ferai couler avec mon doigt de marbre 12
Votre sang et vos pleurs. 6
Comme une floraison par le printemps hâtée, 12
Par l'effort de mon bras 6
35 Tu sortiras du bloc, ô jeune Galatée ! 12
Et tu me souriras ! 6
Moi-même dans tes yeux j'allumerai l'étoile 12
D'or et de diamant, 6
Et, père enorgueilli, je te tiendrai sans voile 12
40 Sous mes lèvres d'amant ! 6
Car je me sens élu pour ton amour étrange 12
Qui me cherche et me fuit. 6
J'ai le cœur de Jacob, et je puis avec l'Ange 12
Lutter toute une nuit. 6
45 La Muse me sait fort, et m'est souvent prodigue 12
De ses âpres baisers, 6
Qui font que l'impuissant décroise de fatigue 12
Ses bras martyrisés. 6
Toi qu'elle aime, ô poëte, à qui la voix de l'Ode 12
50 En ton berceau parlait ! 6
Toi que, petit enfant, la fille d'Hésiode 12
A nourri de son lait ! 6
Victorieux lutteur, qui tiens en main la palme, 12
Qui, déjà radieux, 6
55 Le front ceint de laurier, trônes dans le bleu calme 12
Pareil aux demi-dieux ! 6
Si je te parle ainsi de la Déesse, ô maître ! 12
C'est que dans ce moment, 6
A la face du ciel, toi seul et moi peut-être 12
60 L'aimons sincèrement. 6
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