Métrique en Ligne
BAN_9/BAN395
Théodore de BANVILLE
LES STALACTITES
1843-1846
Idylle
Et quum vidisti puero donata, dolebas.
Virgile.
NÉÈRE, MYRRHA.
Néère
Le soir est tiède et pur, le vent pleure. O Myrrha, 12
Notre jeune Iollas, qui souvent t'admira, 12
Va venir près de nous, sous l'arbre qui soupire, 12
Dénouer nos cheveux et caresser la lyre. 12
Myrrha
5 Néère, c'est pour toi qu'il éveille, en songeant, 12
La douce lyre, auprès de ce ruisseau d'argent. 12
Comme toi, dans mes yeux, ô Néère ! que n'ai-je 12
Ce trait qui brûle un cœur endormi sous la neige ! 12
Néère
Sa main silencieuse aime tes cheveux bruns, 12
10 D'où ses doigts pour longtemps s'en vont pleins de parfums. 12
Myrrha
Les tiens, jouet charmant de la brise qui vole, 12
Sont lisses et dorés comme un flot du Pactole. 12
Néère
Tes pieds charment la lèvre, et montrent au hasard 12
Leurs ongles transparents arrondis avec art. 12
Myrrha
15 Ta gorge est comme un marbre, et la lumière arrose 12
Sur ses fermes contours deux frais boutons de rose. 12
Néère
Que n'es-tu beau comme elle, ô bel enfant ? Hélas ! 12
J'irais en suppliante adorer Iollas ! 12
Myrrha
Iollas ! pour un jour sois semblable à Néère, 12
20 Et je n'aurai pour toi nulle froideur amère. 12
Néère
La bouche des Zéphyrs aux souffles embaumés 12
S'enivre en s'égarant sous tes bras parfumés. 12
Myrrha
Quelle autre ivresse attend les deux lèvres choisies 12
Qui, goûtant de ton cou les blanches ambroisies 12
25 Et buvant à longs traits les flammes que j'y sens, 12
Y feront circuler des frissons rougissants ! 12
Néère
Vois comme l'onde est calme, et comme la Naïade, 12
Dont la molle fraîcheur invite et persuade, 12
Semble tourner vers nous l'azur de ses yeux bleus. 12
Myrrha
30 Dans ses bras palpitants descendons toutes deux. 12
Confions notre tête à son bruit qui fascine, 12
Et notre épaule blonde à sa douce poitrine. 12
Néère
Goûtons auparavant ce doux vin. Pour nos jeux 12
La grappe y mit la force et l'emplit de ses feux. 12
Myrrha
35 Oui, mais la coupe d'or est froide à qui la touche. 12
Quel or vaut, ô ma sœur, les roses de ta bouche ! 12
Néère
Tenons-nous par la main. Ah ! ce flot est glacé ! 12
Entoure bien mon cou de ton bras enlacé. 12
Myrrha
Comme l'eau, sœur du ciel, qui flottait indécise, 12
40 Me presse avec amour ! Je suis toute surprise. 12
Néère
Chacune bien serrée avec deux bras tremblants, 12
O Myrrha ! nous voguons comme deux cygnes blancs, 12
Et sur nos fronts jumeaux aux poses familières 12
Se mêlent toutes deux nos guirlandes de lierres. 12
Myrrha
45 Le flot rasséréné, qui court sans se lasser, 12
M'enivre, et je ne sais, me sentant caresser 12
Voluptueusement dans cette paix profonde, 12
Si c'est ta chair polie, ou le zéphyr, ou l'onde ! 12
Néère
Iollas va venir de ses doigts enjoués 12
50 Tresser en folâtrant nos cheveux dénoués. 12
logo du CRISCO logo de l'université