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Théodore de BANVILLE
LE SANG DE LA COUPE
1857
Vous en qui je salue une nouvelle aurore, 12
Vous tous qui m'aimerez, 6
Jeunes hommes des temps qui ne sont pas encore, 12
O bataillons sacrés ! 6
5 Et vous, poëtes, pleins comme moi de tendresse, 12
Qui relirez mes vers 6
Sur l'herbe, en regardant votre jeune maîtresse 12
Et les feuillages verts ! 6
Vous les lirez, enfants à chevelure blonde, 12
10 Cœurs tout extasiés, 6
Quand mon cœur dormira sous la terre féconde 12
Au milieu des rosiers. 6
Mais moi, vêtu de poupre, en d'éternelles fêtes 12
Dont je prendrai ma part, 6
15 Je boirai le nectar au séjour des poëtes, 12
A côté de Ronsard. 6
Là, dans ces lieux où tout a des splendeurs divines, 12
Ondes, lumière, accords, 6
Nos yeux s'enivreront de formes féminines 12
20 Plus belles que des corps ; 6
Et tous les deux, parmi des spectacles féeriques 12
Qui dureront toujours, 6
Nous nous raconterons nos batailles lyriques 12
Et nos belles amours. 6
25 Vous cependant, mes fils, nés pour la poésie 12
Et l'ode aux flots vainqueurs, 6
Vous puiserez la joie au fleuve d'ambroisie 12
Qui coula de nos cœurs. 6
Comme, aujourd'hui rêveur près de quelque fontaine 12
30 Je redemande en vain 6
Le secret des amours de Marie et d'Hélène 12
A mon maître divin, 6
Vous redirez aussi les grâces d'Aurélie 12
Aux oiseaux de Cypris, 6
35 Au rossignol des bois, à la rose pâlie, 12
Au bleu myosotis ! 6
Vous demanderez tous à mes vers de vous dire 12
Quelle fût la beauté 6
Dont mes rimes en fleur adoraient le sourire 12
40 De rose et de clarté ! 6
Ils vous la montreront, ces vers dont s'émerveille 12
La chanson des hautbois, 6
Ruisselante de feux comme une aube vermeille, 12
Rose et neige à la fois ; 6
45 Et telle qu'à présent, jeune fille hautaine 12
Au sein délicieux, 6
Elle ravit d'amour l'azur de la fontaine 12
Et l'escarboucle aux cieux. 6
On dirait à la voir que, de sa main profonde, 12
50 Dieu, sur son trône assis, 6
A pétri de nouveau, pour en refaire un monde, 12
Une Ève aux noirs sourcils ! 6
Car elle est fière, et seule, Ange mystérieuse, 12
Sourit et marche encor 6
55 Avec la majesté d'une victorieuse 12
A la cuirasse d'or, 6
Et, comme cette Muse à qui le temps pardonne 12
Sans tache et sans affront, 6
Elle pourrait aussi porter une couronne 12
60 D'étoiles à son front, 6
A ce front souriant, poli comme l'ivoire 12
Des lys inviolés, 6
Que de leurs lourds anneaux encadrent avec gloire 12
Ses bandeaux ondulés ! 6
65 Un signe querelleur fôlatre sur sa joue 12
Q'un clair duvet défend, 6
Et sa bouche amoureuse, où la clarté se joue, 12
Est d'un petit enfant. 6
Sous l'ombre des sourcils et leur arcade noire, 12
70 Pareils à l'or du jour, 6
Ses grands yeux tout vermeils s'ouvrent comme pour boire 12
Des océans d'amour, 6
Et la même lumière en frémissant arrose 12
D'un ton timide et pur 6
75 Sur un front mat et clair les narines de rose 12
Et les veines d'azur. 6
Son col de marbre où luit votre blancheur insigne, 12
O neiges de l'Ida, 6
S'incline mollement, comme le divin cygne 12
80 Sur le sein de Léda. 6
Cette tête ingénue et ce corps de Déesse, 12
Ensemble harmonieux, 6
Lui donnent l'éternelle et sereine jeunesse 12
Des enfants et des Dieux. 6
85 Des grands camellias défiant les calices, 12
Telles, orgueil d'Éros, 6
Les femmes de Pradier sortent calmes et lisses 12
Du marbre de Paros. 6
Dans ces temps où les Dieux de l'Hellade vivante 12
90 Fleurissaient les chemins, 6
L'orgueilleuse Cypris eût été sa servante 12
Pour lui baiser les mains ; 6
Et triste, agenouillée en larmes parmi l'herbe, 12
La Déesse, en songeant, 6
95 Elle-même eût noué sur sa jambe superbe 12
Le cothurne d'argent ! 6
Ainsi vous la verrez dans les brûlants délires 12
De vos cœurs embrasés, 6
Et sachez que sa voix eut la douceur des lyres 12
100 Et des premiers baisers, 6
Amants qui devez naître ! et le doux nom de Laure, 12
Dans les vers cent fois lus, 6
Et l'Elvire aux beaux yeux que le génie adore 12
Ne vous troubleront plus. 6
105 Et vous ferez chanter par quelque fier poëte, 12
Mon fils et mon rival, 6
Les femmes qui seront une image imparfaite 12
De ce type idéal. 6
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