Métrique en Ligne
BAN_6/BAN308
Théodore de BANVILLE
ODELETTES
1856
La Vendangeuse
Toi dont les cheveux doux et longs 8
Se déroulent en onde fière, 8
Comme les flots de ta rivière, 8
O belle fille de Châlons ! 8
5 Penche ta tête parfumée, 8
Que je puisse, ô ma bien-aimée ! 8
Voir baigné par ces cheveux blonds 8
Ton riant profil de camée. 8
O fille d'un climat divin ! 8
10 Tu naquis plus blanche qu'un cygne 8
Et ton grand-père dans sa vigne 8
Mouilla ta lèvre avec du vin ! 8
Aussi, lorsque la primevère 8
Triomphe du climat sévère, 8
15 Loin du monde vulgaire et vain, 8
Vers les cieux tu lèves ton verre. 8
Toute à l'instant qu'il faut saisir, 8
Tu mords, et d'une ardeur pareille, 8
Aux raisins gonflés de la treille 8
20 Comme à la grappe du plaisir ! 8
Et sur ta poitrine, où se noie 8
Une lumière ivre de joie, 8
Mûrissent les fruits du Désir 8
Comme une vendange qui ploie. 8
25 En tes veines, de toutes parts, 8
Bourguignonne aux tresses dorées, 8
Le sang des Bacchantes sacrées 8
Bouillonne dans ton sang épars, 8
Et tu tiens tes idolâtries 8
30 De ces guerrières des féeries 8
Qui conduisaient les léopards 8
Avec des guirlandes fleuries ! 8
Il fut ton aïeul, cet amant 8
De la chanson ivre et sauvage, 8
35 Menant sur son char de feuillage, 8
Par l'Attique, un troupeau charmant ! 8
C'est pourquoi, danseuse étourdie, 8
Tu fais d'une main si hardie 8
Carillonner joyeusement 8
40 Les grelots de la Comédie ! 8
O vendangeuse ! tu souris, 8
Embrassons-nous jusqu'à l'ivresse ! 8
Buvons encore, ô ma maîtresse ! 8
Déroule tes cheveux chéris 8
45 Sur ces raisins ! car, ô merveilles ! 8
Tes tresses blondes sont pareilles 8
Au soleil qui les a mûris, 8
Et ta bouche aux grappes vermeilles. 8
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