Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
ODELETTES
1856
A Méry
Plus vite que les autans, 7
Saqui, l'immortelle, au temps 7
De sa royauté naissante, 7
Tourbillonnait d'un pied sûr, 7
5 A mille pieds en l'air, sur 7
Une corde frémissante. 7
Et l'on craignait que d'un bond 7
Parfois son vol vagabond 7
Décrochât, par aventure, 7
10 Parmi les cieux étoilés, 7
Les astres échevelés 7
Fouettés par sa chevelure. 7
En haut vers elle parfois, 7
Comme de tremblantes voix, 7
15 Montaient les cris de la foule 7
Qu'elle voyait du ciel clair 7
Confuse comme une mer 7
Où passe l'ardente houle. 7
Et, soit qu'en faisant un pas 7
20 Elle regardât en bas 7
Ou vers les célestes cimes, 7
Aux cieux que cherchait son vol, 7
Comme à ses pieds sur le sol, 7
Elle voyait deux abîmes. 7
25 Dans les nuages vermeils, 7
Au beau milieu des soleils 7
Qu'elle touchait de la tête 7
Et parmi l'éther bravé, 7
Elle songeait au pavé. 7
30 Tel est le sort du poète. 7
Il trône dans la vapeur. 7
Beau métier, s'il n'avait peur 7
De tomber sur quelque dalle 7
Parmi les badauds sereins, 7
35 Et de s'y casser les reins 7
Comme le fils de Dédale. 7
Dans l'azur aérien 7
Qui le sollicite, ou bien 7
Sur la terre nue et froide 7
40 Qu'il aperçoit par lambeau, 7
Il voit partout son tombeau 7
Du haut de la corde roide, 7
Et, sylphe au ventre changeant 7
Couvert d'écailles d'argent, 7
45 Il se penche vers la place 7
Du haut des cieux irisés, 7
Pour envoyer des baisers 7
A la vile populace. 7
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