Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
ODELETTES
1856
Loisir
Nous avons vu ce mois d'Avril 8
Engourdi par un froid subtil : 8
Le printemps était en péril. 8
Enfin, tout se métamorphose ! 8
5 Mai, comme un jeune sein, arrose 8
De pourpre le bouton de rose. 8
Le vieil Hiver est aux abois. 8
Lauriers, c'est à vous que je bois : 8
Si, nous irons encore au bois ! 8
10 Les pommiers sont couverts de neige. 8
Avec tout son riant cortège, 8
Le nouveau soleil nous assiège. 8
Enfants blonds comme les épis, 8
Ébattez-vous, Amours, tapis 8
15 Sur mes divans et mes tapis ! 8
Voici les jours où tout me presse 8
De chercher ta molle caresse, 8
Poétique et sage Paresse ! 8
L'utile est enfin négligé. 8
20 Depuis ce beau temps enragé, 8
Chacun prend un petit congé. 8
Chacun, dans le mois de la sève, 8
A son dur labeur donne trêve, 8
Pour dorloter un peu son rêve. 8
25 L'homme grave songe aux houris : 8
On le voit quêter les souris 8
De mesdemoiselles Souris. 8
On a du répit, même au bagne. 8
Le feuilletoniste en campagne 8
30 Va revoir la Grèce ou l'Espagne. 8
Ploutos dédaigne son trésor, 8
Et, pour six semaines encor, 8
Défend qu'on lui montre de l'or. 8
Nous, par les mêmes théories, 8
35 Nous fuyons les imprimeries, 8
Le mélodrame et les féeries. 8
Le soir on ne boit plus de thé, 8
Et notre journal endetté 8
Entame les romans d'été. 8
40 Les théâtres n'ont plus de queues ; 8
Scapin court pendant quatre lieues 8
Après les petites fleurs bleues. 8
L'artiste, affolé de rayons, 8
S'en va regarder les Troyons 8
45 Que le bon Dieu fait sans crayons. 8
Rose sort à pied, sans berline, 8
Sans fard, sans diamants. Céline 8
Met sa robe de mousseline. 8
Le savant au cœur plein de foi 8
50 Bouquine avec un tendre émoi 8
Pour trouver un Estienne. Et moi, 8
Cependant que les violettes 8
Ouvrent leurs fraîches cassolettes, 8
Je rimerai des Odelettes. 8
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