Métrique en Ligne
BAN_5/BAN285
Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
XCIII
Adieu
Oui, j'aime, jusqu'en ses verrues, 8
Mon cher Paris ; 4
De lui j'aime tout, places, rues, 8
Jardins fleuris ; 4
5 Et les quais où la Seine chante, 8
Les jours, les soirs 4
Et l'âpre misère touchante 8
Des quartiers noirs ; 4
Et ses boulevards gais et vagues, 8
10 Ce long chemin 4
Où ruisselle, en roulant ses vagues, 8
Le flot humain. 4
J'aime ses femmes, les duchesses 8
Reines du goût, 4
15 Et celles-là qui pour richesse 8
N'ont rien du tout. 4
J'aime ses rousses et ses blondes, 8
Ses clairs salons, 4
Ses théâtres et tous les mondes 8
20 Où nous allons ; 4
La mendiante avec son triste 8
Accordéon, 4
Et la petite guitariste, 8
Et l'Odéon. 4
25 A Paris, où nul ne s'ennuie, 8
Rien n'est pareil ; 4
J'admire également sa pluie 8
Et son soleil ; 4
Et jusqu'à son plus mauvais livre, 8
30 Qui me guérit 4
Ou me caresse, et je m'enivre 8
De son esprit ; 4
Et sans m'occuper de Wormspire 8
Et de Gogo, 4
35 Je sais que près de moi respire 8
Victor Hugo. 4
Et cependant, ô ma pensée ! 8
Pour un moment 4
Tu veux t'enfuir, chaste et blessée, 8
40 Au firmament ; 4
Plonger dans le gouffre du rêve 8
Où tout est pur, 4
Voir un Ange essuyer son glaive 8
En plein azur ; 4
45 Oublier la terre et ses bouges 8
En tes réveils, 4
Sentir de près battre les rouges 8
Cœurs des soleils ; 4
Et fuyant la ville connue 8
50 Et son réseau, 4
Te tremper dans l'eau de la nue, 8
O fauve oiseau ! 4
logo du CRISCO logo de l'université