Métrique en Ligne
BAN_5/BAN283
Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
XCI
Aveu
On lui disait : Mademoiselle, 8
Faites votre confession. 8
Rire est joli ; mais être oiselle 8
N'est pas une profession. 8
5 On admire votre corsage 8
Et ce bel œil intelligent ; 8
Mais pour être tout à fait sage, 8
Économisez de l'argent. 8
Si votre beauté fulgurante 8
10 Éblouit toujours le miroir, 8
Achetez des coupons de rente 8
Et mettez-les dans un tiroir. 8
Car un jour viendra, jour de jeûne, 8
Où, le doux printemps ayant fui, 8
15 Vous serez jeune, mais moins jeune 8
Que vous ne l'êtes aujourd'hui. 8
Lors, pour braver les épigrammes 8
Et garder les amants épris, 8
Il faudra des cheveux pour dames; 8
20 Vous savez qu'ils sont hors de prix. 8
On lui parlait ainsi. Mais elle 8
Répondit, fugitif éclair : 8
Merci, messieurs, pour votre zèle ; 8
J'ai la lèvre rouge et l'œil clair. 8
25 Je m'amuse, et la vie est douce ; 8
Regardez ma petite main. 8
Je roule et n'amasse pas mousse, 8
Comme la pierre du chemin. 8
Et je ris. Être ou ne pas être 8
30 Gaie, est la seule question. 8
Je ne prendrai personne en traître, 8
Pas même le prix Montyon. 8
J'erre, en emplissant ma corbeille 8
Des lys où l'aube a mis ses pleurs, 8
35 Et j'aspire, comme l'abeille, 8
Le suc des odorantes fleurs. 8
Thésauriser m'est impossible. 8
J'égrène ma folle chanson, 8
Et puis, j'ai le tort invincible 8
40 D'être aimante — comme chausson ! 8
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