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Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
LXXXII
A jeun
Tandis qu'avec ses éclairs bleus, 8
Hier, au bal de l'Élysée, 8
La féerie au vol fabuleux 8
Était partout réalisée ; 8
5 Tandis que des flots ralliés 8
De Sémiramis et d'Omphales 8
Montaient les vastes escaliers, 8
Traînant leurs robes triomphales ; 8
Tandis que des habits divers 8
10 Se mêlaient, ainsi que les claques, 8
A des uniformes, couverts 8
De rubans moirés et de plaques ; 8
Je vis un jeune homme à l'œil bleu, 8
Triste, d'une pâleur extrême ; 8
15 Et même, il semblait avoir peu 8
Dîné, comme un simple bohème. 8
Moi, saisi d'un trouble secret, 8
Je le plaignais. Monsieur, lui dis-je, 8
Vous faiblissez. On vous croirait 8
20 Terrassé par quelque prodige. 8
Lui cependant, très abattu, 8
Mais révolté, comme un esclave, 8
Regardait un ange, vêtu 8
De rose, oh ! d'un rose suave ! 8
25 Ayant faim sans doute à pleurer, 8
Dans une fringale extatique, 8
Il semblait vouloir dévorer 8
Cette personne poétique. 8
Monsieur, repris-je à mi-voix, si 8
30 Votre vigueur est presque morte, 8
Un riche buffet, près d'ici, 8
Offre tout ce qui réconforte. 8
Certain vin, de Chypre venu, 8
Vous y rendra l'âme éclaircie. — 8
35 Souper ? murmura l'inconnu, 8
Ma foi ! non, je vous remercie. 8
Les buffets seraient superflus, 8
Malgré leur luxe grandiose. 8
J'ai faim, mais je n'y pense plus : 8
40 Je regarde la dame en rose ! 8
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