Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
LXXX
Carême
Le mardi-gras, ayant pu voir, 8
Le long du boulevard, trois masques 8
Et deux tout petits à l'œil noir 8
Agitant des tambours de Basques ; 8
5 De plus, en habit vermillon 8
Ayant vu trois joueurs de trompe 8
Exécuter leur carillon, 8
Comme on sonne, quand on se trompe ; 8
Mortifiant ses sens domptés, 8
10 Guy, dont les sentiments sont tendres, 8
Pour expier ces voluptés 8
A fait son mercredi des cendres. 8
Sur une chaise en bois de teck, 8
Il mangea des pommes de terre, 8
15 Mais qui n'étaient pas au beefteck, 8
Dans une chambre solitaire. 8
Puis il monta, le long du Bois, 8
Un cheval, une ombre, une ellipse, 8
Mince, effaré, pâle, aux abois, 8
20 Et sorti de l'Apocalypse. 8
Puis, dans une exposition 8
Très intéressante, où deux nègres 8
Se promenaient sans passion, 8
Il alla voir des dessins maigres. 8
25 Le soir, son esprit se peupla 8
D'effrois ; il alla dans le monde 8
Et très longuement contempla 8
Une dame extrêmement blonde. 8
N'offrant nulle prise à l'enfer, 8
30 Elle était mince et transparente ; 8
On aurait dit un fil de fer 8
Sans nulle saillie apparente. 8
Rentré chez lui, Guy lut des vers 8
Très sages, dont jadis nous rîmes, 8
35 Purs de tout ornement pervers 8
Et même dénués de rimes. 8
Tel, évitant même l'esprit, 8
Que toujours Alphonse Karr aime, 8
Guy, dont la douceur me surprit, 8
40 A bien commencé le carême. 8
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