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Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
LXVIII
Les Cartes
Comme au temps de René Descartes, 8
Deux siècles étant bien sonnés, 8
On dit que les héros des cartes 8
Sont violemment soupçonnés. 8
5 Ces gens-là n'étaient pas honnêtes : 8
Il ne faut pas être comme eux. 8
Figures des cartes, vous n'êtes 8
Bonnes qu'à damner les gommeux. 8
David, qui dansait devant l'arche, 8
10 Alexandre, dieu sur son char, 8
Le grand Charles, toujours en marche, 8
Le chauve conquérant César ; 8
Ces Rois des guerres insolentes, 8
Effroi des peuples mutilés, 8
15 Ont gardé leurs âmes sanglantes 8
Sous leurs pourpoints bariolés. 8
Judith, qui ne fait pas largesse, 8
A l'enfer dans ses yeux dormants 8
Et paye en mines de singesse 8
20 Tous ses misérables amants. 8
Il faut se défier d'Argine. 8
Pallas réclame des sursis. 8
Rachel met de la plombagine 8
Pour ombrer ses pâles sourcils ; 8
25 Et ces Reines dont l'œil nous flatte, 8
Amantes au cœur de bourreau, 8
Tiennent une fleur écarlate, 8
Comme une Hélène de Moreau. 8
Hector semble guigner ta montre. 8
30 Lahire, Lancelot, Hogier 8
Sont de ces filous qu'on rencontre 8
Dans les pièces d'Émile Augier. 8
Même on doit éviter les Piques. 8
Le Trèfle, avec des airs moqueurs, 8
35 Nous offre ses festins épiques ; 8
Mais, surtout, redoutez les Cœurs ! 8
Brillant de ses pourpres grossières, 8
Quand un jeu de cartes s'abat, 8
Il en sort des voix de sorcières 8
40 Pour nous inviter au sabbat. 8
Le Jeu nous met à bien des sauces. 8
Parfois on y perd son manteau 8
Et l'honneur, sans compter ses chausses. 8
Il vaut mieux jouer au loto ! 8
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