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Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
LXVII
Cettivayo
Oh ! ces rois d'ébène ou de cuivre ! 8
Parfois, leur histoire va si 8
Vite, qu'on a peine à la suivre. 8
Tu l'as dit, ô Gaston Vassy, 8
5 Délicieux autant qu'immonde, 8
Cettivayo, roi des Zoulous, 8
S'en est allé dans l'autre monde, 8
Où les gens sont spectres ou loups. 8
En ce temps où tout se détraque, 8
10 Où même Jules Verne ment, 8
Il avait trouvé la matraque, 8
Idéal de gouvernement. 8
Comme Orphée à l'âme éblouie 8
Eut sa lyre, qui vibre encor, 8
15 Feu Dupin, son noir parapluie, 8
Agamemnon, son sceptre d'or ; 8
Cettivayo, prince électrique, 8
Ne quittait pas ce bâton lourd, 8
Cette matraque, ou simple trique, 8
20 Dont il s'escrimait comme un sourd. 8
Quand ses femmes, bravant sa force, 8
Voulaient obtenir un acquêt, 8
Il ne songeait pas au divorce, 8
Remède prêché par Naquet. 8
25 Briser leur boîte cérébrale, 8
Et frapper, d'un bras courageux, 8
Sur leur colonne vertébrale, 8
Tels étaient ses tranquilles jeux. 8
Si, voyant un vide sinistre, 8
30 On disait : Où donc est passé, 8
Très puissant roi, votre ministre ? 8
Il répondait : Je l'ai cassé. 8
Tel est Polichinelle en fête, 8
Qui chez nous, don Juan déjà mûr, 8
35 Pour s'amuser, casse la tête 8
De sa femme, contre le mur. 8
Le Zoulou fut marionnette, 8
Et notre biberon filou 8
Qui mignotte la chopinette, 8
40 Était digne d'être Zoulou. 8
Mais, avec son nez que décore 8
Un rubis, fabuleux joyau, 8
Polichinelle vit encore, 8
Plus malin que Cettivayo ! 8
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