Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
LXVI
Le Mot
Mer… — Je m'arrête, ô flot amer ! 8
Il ne faut pas que l'on se targue 8
D'allonger ton nom, vaste mer, 8
Ainsi que l'a fait monsieur Margue. 8
5 Cette boutade, on la connaît. 8
Hélas ! plus d'un Français l'imite, 8
Ignorant que quand la borne est 8
Franchie, il n'est plus de limite. 8
Les romanciers font des romans 8
10 Et les dramaturges, des drames 8
Où, bien mieux que les nécromants, 8
Ils lisent dans les cœurs des femmes. 8
Sans cesse, (ou la Chronique ment,) 8
Les députes en leur enceinte 8
15 Causent, et réciproquement 8
S'abreuvent de fiel et d'absinthe. 8
D'autres, ô ciel, pour allier 8
Tout ce que ton lapis tolère, 8
Confondent l'art du joaillier 8
20 Avec le style épistolaire. 8
Tous ces buveurs de riquiqui, 8
Afin d'agrémenter leurs proses, 8
Abusent parfois du mot qui… 8
Mais respirons l'odeur des roses ! 8
25 Or tout à coup dans le tableau 8
Apparaît, devant leur front sombre, 8
Effrayant comme à Waterloo, 8
Un soldat, un fantôme, une ombre. 8
Les cheveux dans un coup de vent, 8
30 Le grand général de la garde 8
Se plante, menaçant, devant 8
Ses copistes, et les regarde ; 8
Et laissant des mots outrageants 8
Tomber de sa bouche funèbre : 8
35 Çà, dit-il, tas d'honnêtes gens, 8
Qu'on me rende le mot célèbre ! 8
Nos puristes, craignant le heurt, 8
Avec des airs de bon apôtre 8
Disent : Ah ! oui, La garde meurt 8
40 Non, leur répond Cambronne, L'AUTRE ! 8
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