Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
LXII
Michelet
Michelet, qui peignit la mer 8
Et les tumultueuses moires 8
Dont s'éblouit le flot amer, 8
Nous revient, jeune, en ses Mémoires. 8
5 Oh ! jadis, tordu par le vent 8
De l'incantation magique, 8
Plongé, palpitant et vivant, 8
Dans l'Histoire au gouffre tragique, 8
Il la vécut, il la souffrit, 8
10 Tout pâle de ce qu'il enseigne, 8
Ayant dans son vaillant esprit 8
Les douleurs du peuple qui saigne ; 8
Guerroyant avec Jeanne d'Arc 8
Et faisant fuir l'Anglais superbe 8
15 Et, lorsque Louis dans son parc 8
Triomphait, se nourrissant d'herbe. 8
Avec ses mots heurtés, flottants, 8
Éloquents en d'étranges suites, 8
Je le vois, pâle et maigre, au temps 8
20 De ses leçons sur les Jésuites. 8
Sa parole en flots lumineux 8
Roulait, assujettie au nombre, 8
Et ses beaux yeux vertigineux 8
Avaient l'air de deux grands trous d'ombre. 8
25 Plus tard, revenu des enfers 8
Que la sombre Histoire devine, 8
Et des doux paradis offerts 8
Par la nature âpre et divine ; 8
Ayant vu les charmants réseaux 8
30 Que la mer tremblante reflète 8
Et les feuillages pleins d'oiseaux 8
Et la montagne violette ; 8
Quand d'un pas cruel et pressé 8
Vint derrière lui l'âge austère, 8
35 Indulgent, pensif, engraissé, 8
Ne voulant pas encor se taire 8
Ni cesser d'être un voyageur, 8
Proie offerte à la vie ardente, 8
Il eut alors un air songeur 8
40 De vieille femme, — comme Dante. 8
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