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Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
LXI
Le Cèdre
Que nous dit-on ? Monsieur Perrin 8
S'en irait de la Comédie ! 8
Et d'où vient ce bruit-là ? Du Rhin, 8
Ou du Gange, ou de la Médie ? 8
5 La Comédie ! ô cieux flottants, 8
Vous le savez, monsieur Émile 8
Perrin y sera dans cent ans 8
Et, je l'espère aussi, dans mille. 8
Comme la froide goutte d'eau, 8
10 Coulant toujours, perce la roche, 8
Un temps, derrière le rideau, 8
Vient et patiemment s'approche 8
Où Victor Hugo sera vieux. 8
Les gens de notre âge sinistre 8
15 Pourront braver les envieux. 8
Coquelin sera mort, ministre. 8
Mademoiselle Reichemberg, 8
Se penchant vers l'ombre éternelle, 8
Aura des blancheurs d'iceberg, 8
20 Ainsi que madame Pernelle. 8
Le vieux comédien Truffier, 8
Beau de sa gloire octogénaire, 8
Ne sachant à qui se fier, 8
Trouvera que tout dégénère. 8
25 Ce temps que la Messagère a 8
Prédit, viendra ; mais, quoi qu'on die, 8
Monsieur Perrin dirigera 8
Plus que jamais la Comédie. 8
Plus tard, plus tard, encor plus tard, 8
30 L'homme futur, avec délice 8
Quittant le canon, ce pétard, 8
Reprendra l'arc géant d'Ulysse. 8
Paris, détruit comme Senlis, 8
Sera ce que sont à cette heure 8
35 Ecbatane et Persépolis. 8
Alors, mes amis, l'âme en pleure ! 8
La Seine, où parfois nous plongeons 8
Et dont notre ville s'honore, 8
Sera la pâture des joncs 8
40 Murmurant dans le vent sonore. 8
Un cèdre croîtra, souverain, 8
Sur la place où l'on jouait Phèdre 8
Mais monsieur Émile Perrin 8
Dirigera toujours — le cèdre ! 8
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