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Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
LVII
Païva
Paris, qui dans tout pays va, 8
S'en allait voyager, naguère, 8
Chez madame de Païva. 8
On y dînait, — avant la guerre. 8
5 Pendant l'hiver triste et fatal, 8
Rougissantes comme des braises, 8
Là, dans les baquets de cristal 8
S'entassaient des Alpes de fraises. 8
Là se groupait le cercle entier 8
10 Des causeurs dont chacun essaie 8
De copier l'esprit : Gautier, 8
Saint-Victor, Girardin, Houssaye ; 8
D'autres encor : des paresseux, 8
Des porteurs de plume et de lyre, 8
15 Des millionnaires, et ceux 8
Qui savent parler et tout dire. 8
Du vaste plafond de Baudry, 8
Sur notre pauvre vie amère 8
Et sur notre siècle amoindri 8
20 Planaient les Dieux géants d'Homère : 8
Zeus dans un souffle d'aquilon, 8
Cypris aux prunelles pensives, 8
Arès et l'archer Apollon. 8
Avant le festin, les convives, 8
25 Tous serrés dans leurs fracs étroits, 8
Contemplaient ces mythologies 8
Dans le salon où brûlaient trois 8
Cent soixante-quinze bougies. 8
Ils admiraient les luxes lourds 8
30 De ces emphatiques demeures, 8
En marchant sur les tapis sourds. 8
Puis enfin, quand sonnaient huit heures, 8
Montrant, comme dans les romans, 8
Sur son cou pareil aux ivoires, 8
35 Un lourd collier de diamants 8
Jaune pâle, et de perles noires ; 8
Ayant dans ses yeux, encor pleins 8
D'un entêtement énergique, 8
Les vagues reflets sibyllins 8
40 D'on ne sait quel passé tragique ; 8
Avec ses mortelles pâleurs, 8
Devant les damas, dont la trame 8
Étincelait de rouges fleurs, 8
Apparaissait la vieille dame. 8
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