Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
XLVIII
Quel daim ?
Les dames, à ce qu'on assure, 8
Par un revirement soudain, 8
Porteront bientôt, pour chaussure, 8
Des bottines en peau de daim. 8
5 Et bien que l'esprit s'accommode 8
Mal de ce projet fabuleux, 8
Ces mêmes reines de la mode 8
Mettront à leurs mains des gants bleus. 8
Telles on les verra, mutines, 8
10 S'égarer dans le clair jardin. 8
Quoi ! des gants bleus ! Et des bottines 8
En peau de daim ! Mais de quel daim ? 8
O grand Bossuet qui t'envoles, 8
Depuis toi, nous parlons bien mal. 8
15 Le daim, en nos langues frivoles, 8
N'est pas toujours cet animal 8
Doux et gracieux, qui s'effare 8
Et boit dans la source au flot clair, 8
Tandis que l'horrible fanfare 8
20 Jette un cri de cuivre dans l'air. 8
Non. Le mot que sans doute ignore 8
Chateaubriand, comme Baïf, 8
Se transforme et désigne encore 8
Le bon jeune homme au cœur naïf. 8
25 A qui les Èves éternelles, 8
Avec un aplomb très hardi, 8
Font voir, pour charmer ses prunelles, 8
Des chandelles en plein midi. 8
Belles dont les yeux en amande 8
30 S'éclairent d'un rayon soudain, 8
En quel sens, je vous le demande, 8
Prenons-nous ici le mot : Daim ? 8
Quoi ! les princesses de nos fêtes, 8
Que sans cesse adule Paris, 8
35 Auront-elles des bottes faites 8
Avec la peau de leurs maris ? 8
Ou bien ces bottes, que décore 8
Une boucle de diamants, 8
Seront-elles faites encore 8
40 Avec la peau de leurs amants ? 8
Quant aux gants bleus, la femme forte 8
Disant toujours : Fais ce que dois, 8
Voudra sans doute, de la sorte, 8
Avoir l'azur au bout des doigts. 8
45 Et lorsque déroulant sa gamme 8
Aux genoux d'une Alaciel, 8
L'amant dira : Je veux, madame, 8
Le paradis, je veux le ciel ; 8
La magicienne enchantée 8
50 Près du Chérubin qui songeait, 8
Dira, tendant sa main gantée : 8
Prenez, monsieur, voici l'objet ! 8
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