Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
XXXVII
La Liseuse
Dans la chambre est assise, 6
Mollement indécise, 6
Une dame aux yeux verts 6
Qui lit des vers. 4
5 La clarté de la lampe 6
Vient jouer sur sa tempe, 6
Et fait briller ses yeux 6
Mystérieux. 4
A côté d'elle éclate 6
10 Une fleur écarlate, 6
Dans un mince et changeant 6
Vase d'argent. 4
Le chat qu'elle protège, 6
Aussi blanc que la neige, 6
15 Rêve sur des coussins 6
Aux grands dessins. 4
Sur les chenets de l'âtre 6
Rit la flamme folâtre 6
Et s'embrase le feu 6
20 Vermeil et bleu. 4
Dans tout ce qui l'entoure 6
La Liseuse savoure 6
Les beaux luxes qui font 6
L'oubli profond. 4
25 Elle boit la meilleure 6
Tranquillité de l'heure, 6
Ainsi que les gourmets 6
Un doux vin. Mais 4
Tout à coup, quelque chose 6
30 Touche sa bouche rose 6
Et baise, en mille jeux, 6
Son sein neigeux. 4
Quel est l'esprit farouche 6
Qui baise cette bouche 6
35 Et palpite, ingénu, 6
Sur le sein nu ? 4
C'est la belle Strophe ivre 6
Qui s'échappe du livre, 6
En arrachant son flanc 6
40 Du feuillet blanc, 4
Et s'évade frivole, 6
Et vole, vole, vole, 6
Murmurant à l'entour : 6
Amour ! Amour ! 4
45 Sous la folle caresse 6
Troublée en sa paresse, 6
La songeuse qui lit 6
Soudain pâlit ; 4
On voit, pleine d'extase, 6
50 Tressaillir dans le vase 6
Même la fleur de sang ; 6
Et le chat blanc 4
S'étire dans le vide, 6
Ouvre sa bouche avide 6
55 Et laisse voir les dents 6
Qui sont dedans, 4
Sentant, subtile bête ! 6
Qu'au-dessus de sa tête, 6
Près de son fin museau 6
60 Passe un oiseau. 4
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