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Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
XXXV
Politique
Oui, Misère est toujours Misère, 8
Pâle, avec son rictus affreux. 8
Ainsi que les grains d'un rosaire, 8
Ses jours se ressemblent entre eux. 8
5 Oui, le pauvre est le pauvre. Jeune 8
Ou vieux, malgré ses appétits, 8
Après le dur travail, il jeûne 8
Avec sa femme et ses petits. 8
Pour lui le bonheur est un mythe. 8
10 Il est le vrai souverain ; mais 8
Quand verra-t-il dans sa marmite 8
Un morceau de viande ? Jamais. 8
Et les petits, dont le ciel aime 8
Les doux sourires familiers, 8
15 Noir et mystérieux problème ! 8
Vont en loques et sans souliers. 8
Et, cependant, la forte-en-gueule 8
Qui ne revient pas du Lignon, 8
La Politique, peu bégueule, 8
20 Hurle et se crêpe le chignon. 8
La mégère met sur ses hanches, 8
Parterre aux maigres floraisons, 8
Ses deux mains qui ne sont pas blanches ; 8
Et, faute de bonnes raisons, 8
25 Forte à la savate, inaugure, 8
Pour tomber son godelureau, 8
Le vif coup de pied de figure, 8
Et le coup de front du taureau. 8
Rires. Clameurs. Effroi. Tumulte. 8
30 On dirait qu'on fouette un marmot. 8
A Chaillot ! — C'est nous qu'on insulte ! 8
Vous allez retirer le mot ! 8
Et le prix du combat sinistre 8
Flotte, vaillamment disputé. 8
35 On s'explique. — Va donc, ministre ! 8
Ohé ! va donc, toi, député ! 8
La Politique, fière, en somme, 8
De ne jamais amnistier, 8
Bavarde et se trémousse comme 8
40 Un diable dans un bénitier. 8
Elle unit, en ses turlutaines, 8
L'éloquence de feu Dupin 8
Avec celle de Démosthènes. 8
C'est un beau spectacle. — ET DU PAIN ? 8
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