Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
XXIV
Escrime
Chez nous l'Éternel Féminin 8
A pris un essor léonin. 8
Les femmes les plus délicates 8
Sont avocates. 4
5 D'autres, ayant le charme empreint 8
Sur leur front, dont nous n'avions craint 8
Que les œillades assassines, 8
Sont médecines. 4
Celles-là, dont le vent mutin 8
10 A follement, dès le matin, 8
Baisé les boucles et les tresses, 8
Sont les peintresses. 4
Celles-ci, cœurs inexpliqués, 8
Mettent en rhythmes compliqués 8
15 Leurs mélodieuses tristesses 8
De poétesses. 4
D'autres par l'esprit le plus fin 8
Nous ravissent. D'autres enfin, 8
Et certes ce n'est pas un crime 8
20 Font de l'escrime. 4
Elles en font même très bien. 8
Carolus Duran ne sait rien 8
Vraiment que désormais ignore 8
Ninette ou Laure. 4
25 Ces tireurs, qu'Amour effleurait, 8
Tiennent maintenant le fleuret, 8
Enchaînant avec mille charmes 8
Leurs phrases d'armes. 4
Que n'as-tu pu voir, ô Balzac ! 8
30 Leurs ripostes du tac au tac, 8
Leur jeu correct et leur mimique 8
Académique ! 4
Aussi bien que l'homme hideux, 8
Elles savent faire : Une ! Deux ! 8
35 Quant à leurs attaques d'allonge, 8
C'est comme un songe ! 4
Qu'elles mènent agilement 8
Les changements d'engagement ! 8
Quand un homme est leur adversaire, 8
40 Mon cœur se serre. 4
Car bien vite mécontenté, 8
Il est toujours au fond tenté 8
De tomber aux pieds de ce sexe 8
Et, tout perplexe, 4
45 Il se sent devenir poltron 8
A voir frémir sous le plastron, 8
Comme une cruelle épigramme, 8
Un sein de femme. 4
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