Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
NOUS TOUS
1883-1884
XIX
Académie
Les premières où l'on a droit 8
D'adorer en secret sa mie, 8
Ne sont vraiment en nul endroit 8
Plus belles qu'à l'Académie. 8
5 C'est là que les faiseurs de vers 8
Et que les chercheurs de microbes 8
Peuvent tourner leurs regards vers 8
Un luxe éblouissant de robes. 8
On y prononce des discours 8
10 Que demain Aix lira comme Arles, 8
Et les meilleurs sont les moins courts ; 8
Mais au fond, Worth, c'est toi qui parles ! 8
Et tandis que le mot sonneur 8
Chante et fleurit dans l'air, on flirte, 8
15 Et tu songes, ô moissonneur, 8
A récolter bientôt le myrte. 8
En ce temple, où l'on ne voit pas 8
Athèna lever ses visières, 8
Mazade a fait ses premiers pas : 8
20 Mézières tenait les lisières. 8
Les Immortels sont là chez eux, 8
Et pour ne pas choir, on y marche 8
Lentement, comme sur des œufs. 8
Cette Académie est une arche. 8
25 Quand Pierre y dit vrai, Paul y ment. 8
Cette fois les deux adversaires 8
Se sont parlé très poliment, 8
Avec les douceurs nécessaires. 8
Mazade n'a pas lu Nana. 8
30 Son âme, de fiel dépourvue, 8
Est profondément chaste. Il n'a 8
Jamais aimé que la Revue 8
Des Deux Mondes. Il trouve laids 8
Tous les vains suiveurs de mantilles. 8
35 En somme, il donnerait tous les 8
Rimeurs, pour un plat de lentilles. 8
Mézières, qui nous a sonné 8
La charge, est moins pur. J'en soupire. 8
Il est vaguement soupçonné 8
40 De connivence avec Shakspere. 8
Même son nom, — c'est apparent, 8
Nous révèle un peu ses fredaines, 8
Et nous montre qu'il est parent 8
Avec la forêt des Ardennes. 8
45 Il a connu le grand boucher 8
Et, dans son contact énergique, 8
N'ayant pas craint de le toucher, 8
Il s'est taché du sang tragique. 8
O deuil, ô souvenir amer, 8
50 O mystérieuse brûlure ! 8
Toute l'eau de la vaste mer 8
Ne lavera pas la souillure ! 8
On sourit pourtant, voyez-vous ? 8
Parfois les belles indolentes 8
55 Gardent leurs regards les plus doux 8
Pour les héros aux mains sanglantes. 8
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