Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
Les Exilés
1867
À ÉLISABETH
Hélas ! Qu'il fut long, mon amie, 8
T'en souvient-il ? 4
Ce temps de douleur endormie, 8
Ce noir exil 4
5 Pendant lequel, tâchant de naître 8
À notre amour, 4
Nous nous aimions sans nous connaître ! 8
Oh ! Ce long jour, 4
Cette nuit où nos voix se turent, 8
10 Cieux azurés 4
Qui voyez notre âme, oh ! Qu'ils furent 8
Démesurés ! 4
J'avais besoin de toi pour vivre ; 8
Je te voulais. 4
15 Fou, je m'en allais pour te suivre, 8
Je t'appelais 4
Et je te disais à toute heure 8
Dans mon effroi : 4
« C'est moi qui te cherche et qui pleure. 8
20 Viens. Réponds-moi. » 4
Hélas ! Dans ma longue démence, 8
Dans mon tourment, 4
J'avais tant souffert de l'immense 8
Isolement, 4
25 Et de cacher mon mal insigne, 8
Émerveillé 4
De gémir tout seul, comme un cygne 8
Dépareillé ; 4
J'étais si triste de sourire 8
30 Aux vains hochets 4
Dont s'était bercé mon délire ; 8
Et je marchais, 4
Si las d'être seul sous la nue, 8
Triste ou riant, 4
35 Que je ne t'ai plus reconnue 8
En te voyant. 4
Et je t'ai blessée et meurtrie, 8
Et je n'ai pas, 4
Au seuil de la chère patrie, 8
40 Baisé les pas 4
De l'ange qui dans la souffrance 8
A combattu, 4
Et qui me rendait l'espérance 8
Et la vertu ! 4
45 Ô toi dont sans cesse mes lèvres 8
Disent le nom, 4
Pardonne-moi tes longues fièvres, 8
Tes pleurs ! Mais non, 4
J'en cacherai la cicatrice 8
50 Sous un baiser 4
Si long et si profond qu'il puisse 8
Te l'effacer. 4
Je veux que l'avenir te voie, 8
Le front vainqueur, 4
55 Serrée et tremblante de joie 8
Près de mon cœur ; 4
Écoutant mon ode pensive 8
Qui te sourit, 4
Et me donnant la flamme vive 8
60 De ton esprit ! 4
Car à la fin je t'ai trouvée, 8
Force et douceur, 4
Telle que je t'avais rêvée, 8
Épouse et sœur 4
65 Qui toujours, aimante et ravie, 8
Me guériras, 4
Et qui traverseras la vie 8
Entre mes bras. 4
Plus d'exil ! Vois le jour paraître 8
70 À l'orient : 4
Nous ne sommes plus qu'un seul être 8
Fort et riant, 4
Dont le chant ailé se déploie 8
Vers le ciel bleu 4
75 Gardant, comme une sainte joie, 8
L'espoir en Dieu, 4
Poursuivant, sans qu'on l'avertisse, 8
L'humble lueur 4
Qu'on nomme ici-bas la justice 8
80 Et le bonheur, 4
N'ayant plus ni regrets ni haine 8
Dans ce désert, 4
Et se ressouvenant à peine 8
Qu'il a souffert. 4
85 Oui, je t'ai retrouvée, et telle 8
Que je t'aimais, 4
Toi qui, comme un miroir fidèle, 8
Vis désormais 4
Ma vie, et je t'aime, je t'aime, 8
90 Je t'aime ! Et pour 4
L'éternité, je suis toi-même, 8
Ô cher amour ! 4
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