Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
Les Exilés
1867
LES JARDINS
Parfois, lorsque mon âme échappe aux soins jaloux, 12
Je revois dans un songe épouvantable et doux, 12
Plein d'ombre et de silence et d'épaisses ramées, 12
Les jardins où jadis passaient mes bien-aimées. 12
5 Mais voici qu'à présent les rosiers chevelus 12
Sont devenus broussaille et ne fleurissent plus ; 12
Le temps a fracassé le marbre blanc des urnes ; 12
Le rossignol a fui les chênes taciturnes ; 12
Les nymphes de Coustou, les sylvains et les pans 12
10 S'affaissent éperdus sous les lierres rampants ; 12
La flouve, le vulpin, les herbes désolées 12
Ont envahi partout le sable des allées ; 12
Les larges tapis d'herbe aux haleines de thym, 12
Où la lune éclairait les habits de satin 12
15 Et les pierres de flamme aux robes assorties, 12
Foisonnent maintenant de ronces et d'orties ; 12
Dans les bassins, les flots aux sourires blafards 12
Sont cachés par la mousse et par les nénufars ; 12
L'étang, où tout un monde effroyable pullule, 12
20 Ne voit plus sur ses joncs frémir de libellule ; 12
Le chaume est tout couvert d'iris ; les églantiers 12
Pendent, et de leurs bras couvrent des murs entiers ; 12
L'ombre triste, le houx luisant, les eaux dormantes 12
Ont pris les oasis où riaient mes amantes ; 12
25 La noire frondaison me dérobe les cieux 12
Qu'elles aimaient, et dans ces lieux délicieux, 12
Naguère tout remplis d'enchantements par elles, 12
Meurt le gémissement affreux des tourterelles. 12
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