Métrique en Ligne
BAN_3/BAN168
Théodore de BANVILLE
Les Exilés
1867
LES FORGERONS
Rhythmé par le marteau sonore, 8
Le chant joyeux des forgerons 8
S'envole à grand bruit vers l'aurore, 8
Plus fier que la voix des clairons. 8
Jean et Jacques.
5 La forge mugissante allume 8
Nos fronts par la bise mordus, 8
Et son reflet parmi la brume 8
Chasse les corbeaux éperdus. 8
De la noël au jour de pâques, 8
10 Nuit et jour, c'est comme un enfer. 8
Jacques.
Mon frère Jean,
Jean.
Mon frère Jacques,
Jacques.
Soufflons le feu !
Jean.
Battons le fer !
Jacques.
Fer grossier que la cheminée 8
Couvre ici de son noir manteau, 8
15 Jusqu'à la fin de la journée 8
Tremble et gémis sous le marteau. 8
Jean.
Pour subir ta métamorphose, 8
Tu vas sortir, obscur encor, 8
De la fournaise ardente et rose, 8
20 Au milieu d'une gerbe d'or ! 8
Jacques.
Puis tu seras l'âpre charrue ! 8
Tu répandras sur les sillons 8
La moisson blonde, que salue 8
Le chœur ailé des papillons. 8
Jean.
25 Tu seras le coursier de flamme, 8
Le coursier terrible et sans peur 8
Qui dans ses flancs emporte une âme 8
De charbon rouge et de vapeur. 8
Jacques.
Tu seras la faux qui moissonne, 8
30 Tu courberas le seigle mûr, 8
Cette mer vivante où frissonne 8
L'écarlate et la fleur d'azur. 8
Jean.
Lumière, d'ombre enveloppée, 8
Tu renaîtras au grand soleil ; 8
35 Tu seras le fer de l'épée 8
Qui se rougit de sang vermeil. 8
Jacques.
Ton destin vil enfin s'élève ! 8
Tu vas surgir dans la clarté, 8
Pour te mêler, charrue ou glaive, 8
40 À la mouvante humanité ! 8
Jean.
Tu frémiras pour la justice ! 8
Jacques.
Tu serviras à déchirer 8
Le sein de la terre nourrice. 8
Jean.
Tu vas combattre
Jacques.
Et labourer !
logo du CRISCO logo de l'université