Métrique en Ligne
BAN_3/BAN166
Théodore de BANVILLE
Les Exilés
1867
L'AVEUGLE
Un cavalier disait à Milton : « je vous plains ! 12
Car vos yeux, de colère et d'espérance pleins, 12
Qui déchiraient la voûte où le soleil gravite, 12
S'égarent, fous d'horreur, dans la nuit sans limite. 12
5 Comme un aigle banni du mont aérien 12
Dans un sombre cachot, vous ne voyez plus rien 12
Sur cette terre aux feux du ciel irradiée ; 12
Ni le couchant avec sa pourpre incendiée, 12
Ni le terrible azur et la blancheur des lys ! 12
10 —Il est vrai, dit Milton, que mes regards, jadis 12
Plus éclatants que ceux des poëtes célèbres, 12
Succombent maintenant sous d'épaisses ténèbres : 12
Mais c'est parce que Dieu, voyant mes ennemis 12
Jaloux de cette paix profonde où je frémis 12
15 Seulement d'allégresse en chantant ses louanges, 12
A pour me soutenir envoyé ses grands anges. 12
Calmes, armés du glaive et répandant l'effroi, 12
Invisibles pour tous, ils volent devant moi 12
Épouvantant ma face et cachant mes prunelles, 12
20 Et cette nuit farouche est l'ombre de leurs ailes. » 12
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