Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
Les Exilés
1867
TUEUR DE MONSTRES
Le beau monstre, à demi couché dans l'ombre noire, 12
Laissait voir seulement sa poitrine d'ivoire 12
Et son riant visage et ses cheveux ardents, 12
Et Thésée, admirant la blancheur de ses dents, 12
5 Regardait ses bras luire avec de molles poses, 12
Et de ses seins aigus fleurir les boutons roses. 12
Au loin ils entendaient les aboiements des chiens, 12
Et la charmante voix du monstre disait : « viens, 12
Car cet antre nous offre une retraite sûre. 12
10 Ami, je dénouerai moi-même ta chaussure, 12
J'étendrai ton manteau sur l'herbe, si tu veux, 12
Et tu t'endormiras, le front dans mes cheveux, 12
Sans craindre la clarté d'une étoile importune. » 12
Mais, comme elle parlait, un doux rayon de lune 12
15 Parut, et le héros, dans le soir triste et pur, 12
Vit resplendir avec ses écailles d'azur 12
Le corps mystérieux du monstre, dont la queue 12
De dragon vil, pareille à la mer verte et bleue, 12
Déroulait ses anneaux, et de blancs ossements 12
20 Brillèrent à ses pieds, sous les clairs diamants 12
De la lune. Alors, sourd à la voix charmeresse 12
Du monstre, et saisissant fortement une tresse 12
De la crinière d'or qui tombait sur ses yeux, 12
Il tira son épée avec un cri joyeux, 12
25 Et deux fois en frappa le monstre à la poitrine. 12
Et, hurlant comme un loup dans la forêt divine, 12
Crispant ses bras, tordant sa queue, horrible à voir, 12
L'Hydre au visage humain tomba dans son sang noir 12
Tandis que le héros sous l'ombrage superbe, 12
30 Essuyant son épée humide aux touffes d'herbe, 12
S'en allait, calme ; et, sans que ce cri l'eût troublé, 12
Il regardait blanchir le grand ciel étoilé. 12
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