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Théodore de BANVILLE
Odes funambulesques
1857
LA SAINTE BOHÈME
.... il chanta d'une voix tonnante à
laquelle nous répondîmes en chœur :
Vive la Bohême !
GEORGE SAND, La dernière Aldini.
Par le chemin des vers luisants, 8
De gais amis à l'âme fière 8
Passent aux bords de la rivière 8
Avec des filles de seize ans. 8
5 Beaux de tournure et de visage, 8
Ils ravissent le paysage 8
De leurs vêtements irisés 8
Comme de vertes demoiselles, 8
Et ce refrain, qui bat des ailes, 8
10 Se mêle au vol de leurs baisers : 8
Avec nous l'on chante et l'on aime, 8
Nous sommes frères des oiseaux. 8
Croissez, grands lys, chantez, ruisseaux, 8
Et vive la sainte bohème ! 8
15 Fronts hâlés par l'été vermeil, 8
Salut bohèmes en délire ! 8
Fils du ciseau, fils de la lyre, 8
Prunelles pleines de soleil ! 8
L'aîné de notre race antique 8
20 C'est toi, vagabond de l'Attique, 8
Fou qui vécus sans feu ni lieu, 8
Ivre de vin et de génie, 8
Le front tout barbouillé de lie 8
Et parfumé du sang d'un dieu ! 8
25 Avec nous l'on chante et l'on aime, 8
Nous sommes frères des oiseaux. 8
Croissez, grands lys, chantez, ruisseaux, 8
Et vive la sainte bohème ! 8
Pour orner les fouillis charmants 8
30 De vos tresses aventureuses, 8
Dites, les pâles amoureuses, 8
Faut-il des lys de diamants ? 8
Si nous manquons de pierreries 8
Pour parer de flammes fleuries 8
35 Ces flots couleur d'or et de miel, 8
Nous irons, voyageurs étranges, 8
Jusque sous les talons des anges 8
Décrocher les astres du ciel ! 8
Avec nous l'on chante et l'on aime, 8
40 Nous sommes frères des oiseaux. 8
Croissez, grands lys, chantez, ruisseaux, 8
Et vive la sainte bohème ! 8
Buvons au problème inconnu 8
Et buvons à la beauté blonde, 8
45 Et, comme les jardins du monde, 8
Donnons tout au premier venu ! 8
Un jour nous verrons les esclaves 8
Sourire à leurs vieilles entraves, 8
Et, les bras enfin déliés, 8
50 L'univers couronné de roses, 8
Dans la sérénité des choses 8
Boire aux dieux réconciliés ! 8
Avec nous l'on chante et l'on aime, 8
Nous sommes frères des oiseaux. 8
55 Croissez, grands lys, chantez, ruisseaux, 8
Et vive la sainte bohème ! 8
Nous qui n'avons pas peur de dieu 8
Comme l'égoïste en démence, 8
Au-dessus de la ville immense 8
60 Regardons gaîment le ciel bleu ! 8
Nous mourrons ! Mais, ô souveraine ! 8
Ô mère ! ô nature sereine ! 8
Que glorifiaient tous nos sens, 8
Tu prendras nos cendres inertes 8
65 Pour en faire des forêts vertes 8
Et des bouquets resplendissants ! 8
Avec nous l'on chante et l'on aime, 8
Nous sommes frères des oiseaux. 8
Croissez, grands lys, chantez ruisseaux, 8
70 Et vive la sainte bohème ! 8
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