Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
Odes funambulesques
1857
VIRELAI
À MES ÉDITEURS
Barbanchu nargue la rime ! 7
Je défends que l'on m'imprime ! 7
La gloire n'était que frime ; 7
Vainement pour elle on trime, 7
5 Car ce point est résolu. 7
Il faut bien qu'on nous supprime : 7
Barbanchu nargue la rime ! 7
Le cas enfin s'envenime. 7
Le prosateur chevelu 7
10 Trop longtemps fut magnanime. 7
Contre la lyre il s'anime, 7
Et traite d'hurluberlu 7
Ou d'un terme synonyme 7
Quiconque ne l'a pas lu. 7
15 Je défends que l'on m'imprime. 7
Fou, tremble qu'on ne t'abîme ! 7
Rimer, ce temps révolu, 7
C'est courir vers un abîme, 7
Barbanchu nargue la rime ! 7
20 Tu ne vaux plus un décime ! 7
Car l'ennemi nous décime, 7
Sur nous pose un doigt velu, 7
Et, dans son chenil intime, 7
Rit en vrai patte-pelu 7
25 De nous voir pris à sa glu. 7
Malgré le monde unanime, 7
Tout prodige est superflu. 7
Le vulgaire dissolu 7
Tient les mètres en estime : 7
30 Il y mord en vrai goulu ! 7
Bah ! Pour mériter la prime, 7
Tu lui diras : lanturlu ! 7
Je défends que l'on m'imprime. 7
Molière au hasard s'escrime, 7
35 C'est un bouffon qui se grime ; 7
Dante vieilli se périme, 7
Et Shakspere nous opprime ! 7
Que leur art jadis ait plu, 7
Sur la récolte il a plu, 7
40 Et la foudre pour victime 7
Choisit leur toit vermoulu. 7
C'était un régal minime 7
Que Juliette ou Monime ! 7
Descends de ta double cime, 7
45 Et, sous quelque pseudonyme, 7
Fabrique une pantomime ; 7
Il le faut, il l'a fallu. 7
Mais plus de retour sublime 7
Vers Corinthe ou vers Solyme ! 7
50 Ciseleur, brise ta lime, 7
Barbanchu nargue la rime ! 7
Seul un réaliste exprime 7
Le beau rêche et mamelu : 7
En douter serait un crime. 7
55 Barbanchu nargue la rime ! 7
Je défends que l'on m'imprime. 7
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