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Théodore de BANVILLE
DANS LA FOURNAISE
Dernières Poésies
1892
Pluie
Quand les cieux taciturnes 6
Sur nous vident leurs urnes 6
Et dans ces durs assauts 6
Pleuvent à seaux, 4
5 Les foules éblouies 6
Portent des parapluies 6
Montrant, en rang d'oignons, 6
Leurs champignons. 4
Le parapluie, ô rage ! 6
10 Est mouillé par l'orage. 6
Sous son modeste abri 6
Fort assombri, 4
L'employé, triste mâle, 6
Se dirige, plus pâle 6
15 Que le grand Deburau, 6
Vers son bureau. 4
Gens aux mœurs policées, 6
Dans les vastes lycées 6
Entrent ces confesseurs, 6
20 Les professeurs. 4
Vers les bibliothèques, 6
Pour leurs études grecques 6
Se hâtent les savants, 6
Malgré les vents. 4
25 Tous ont des parapluies. 6
Oui tous, et même, enfuies 6
Au premier chant du coq, 6
O Paul de Kock ! 4
De sveltes couturières, 6
30 Marchant, aventurières, 6
Dans Paris obscurci, 6
En ont aussi. 4
Leurs jupes retroussées, 6
Vainement courroucées 6
35 En de vaillants combats, 6
Montrent les bas. 4
Malgré toi, c'est l'absinthe ! 6
Les yeux courent, ô sainte 6
Pudeur, qui t'immolais, 6
40 Sur leurs mollets. 4
Parfois, ruse divine, 6
Au-dessus on devine, 6
Et ce n'est pas plus cher, 6
Un peu de chair. 4
45 Assez ! — le Parapluie, 6
Que le soleil essuie, 6
En bravant le typhon 6
Reste bouffon. 4
Il est grave, il est digne. 6
50 Jamais, âme bénigne, 6
Bouvard ni Pécuchet 6
Ne le cachait. 4
On l'emporte au Mont-Dore 6
Et plus d'un vieux adore, 6
55 Comme sur un autel, 6
Cet immortel. 4
Par lui le sage évite 6
L'omnibus qui court vite, 6
Faisant aux gens bien nés 6
60 Des pieds de nez, 4
Et l'incurable fiacre 6
Qui fait le simulacre, 6
Pour mieux vous effrayer, 6
De relayer. 4
65 Pour vous, ô quelle joie ! 6
Sa coupole de soie 6
Rend les noirs ouragans 6
Moins arrogants, 4
Et l'on est fier et libre, 6
70 Quand dans votre main vibre 6
Son manche de roseau, 6
Comme un oiseau ! 4
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