Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
DANS LA FOURNAISE
Dernières Poésies
1892
Déja vus
Céline, avec ses cheveux roux 8
Dont la fauve splendeur nous flatte, 8
Darde ses yeux pleins de courroux, 8
Pareille à la bête écarlate. 8
5 Magnifique dans le printemps 8
Comme une grande fleur qui bouge, 8
Elle charme les airs flottants, 8
En portant son ombrelle rouge. 8
Albert, l'enragé promeneur, 8
10 Qui rappelle, en chantant sa gamme, 8
Le prince Hamlet, dans Elseneur, 8
La rencontre et lui dit : Madame, 8
Il faut employer les moments 8
Sans penser aux futurs désastres. 8
15 Voulez-vous de clairs diamants 8
Pareils à des cassures d'astres ? 8
Entrons là, chez le joaillier ; 8
Je veux être certain qu'on m'aime. 8
Acceptez un riche collier. 8
20 Céline répond : Tout de même. 8
Oui, dit Albert, nous penserons 8
A des rivières sans pareilles 8
Et, pendant que nous y serons, 8
Nous prendrons des pendants d'oreilles. 8
25 Mais on va parfois à Choisy ! 8
Êtes-vous de celles qu'allèche 8
Un équipage bien choisi ? 8
Bon. Je vous offre une calèche. 8
Je prétends vous la décocher, 8
30 Svelte et volant comme la foudre, 8
Avec chevaux, groom et cocher 8
Obèse, rouge sous la poudre. 8
Voulez-vous, madame, un hôtel 8
Tout en briques, dans l'avenue 8
35 De Villiers ? Ce sera l'autel 8
Où rira Vénus toute nue. 8
Et ce n'est pas tout, les poneys ! 8
Il faut que le soleil arrose 8
Chez vous, des tableaux japonais 8
40 Où flambe le ciel rouge et rose. 8
Céline, qu'afflige une toux 8
Sèche, répond : C'est une affaire. 8
Cher monsieur, j'accepterai tous 8
Les dons que vous voulez me faire. 8
45 Et vous ne perdrez pas au troc ! 8
Jeune homme, pâle comme Oreste, 8
C'est bien. Je prendrai tout en bloc, 8
Chevaux, diamants et le reste. 8
Mais, avec les riches appas 8
50 Qui sont mon armure de guerre, 8
Vous ne me reconnaissez pas ? 8
Vous m'avez vue enfant naguère. 8
Vous me courtisiez déjà, car 8
Jamais vous ne vous en privâtes, 8
55 Quand mes pieds nus s'évadaient, par 8
Les trous béants de mes savates. 8
J'avais l'air d'un jeune filou ; 8
Ma peau brune vous semblait douce. 8
Je peignais avec un vieux clou 8
60 Ma folle chevelure rousse. 8
Et vous, faisant tous les métiers 8
Pour un gain souvent illusoire, 8
Couchant sous les ponts, vous étiez 8
Un petit voyou dérisoire. 8
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