Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
DANS LA FOURNAISE
Dernières Poésies
1892
Rue de l'Éperon
A H. Giacomelli
Mon jardin est situé rue 8
De l'Éperon. Il est joli 8
Comme une oasis, apparue 8
En rêve, ô Giacomelli ! 8
5 Devant son ombre taciturne 8
Où le soleil vient par éclairs, 8
Les vieux arbres géants de Furne 8
Dressent leurs beaux feuillages clairs. 8
Joignant leurs branches familières, 8
10 Vivaces comme les abus, 8
Sur la maison grimpent deux lierres 8
Impérieux, aux troncs barbus. 8
Parfois même ils font une ligne 8
Droite, jusque chez le voisin, 8
15 Et près d'eux s'étale une vigne 8
Qui ne produit pas de raisin. 8
Elle s'offre au jour qui la fête 8
Et rit avec frivolité, 8
Car tout porte, chez le poëte, 8
20 Ce cachet d'inutilité. 8
Mes rhododendrons s'aguerrissent, 8
Et quant à mes sveltes lilas, 8
D'abord, une année, ils fleurissent, 8
Puis, l'autre année, ils sont trop las. 8
25 Pour mes roses ambroisiennes, 8
Elles ont dans leur teint vermeil 8
Des pâleurs de Parisiennes 8
Trop oublieuses du sommeil. 8
Puis, dédaignant les ritournelles, 8
30 Mille oiseaux, devant mon palais, 8
Improvisent des villanelles, 8
Des rondeaux et des triolets, 8
Et fuyant les rimes d'Alzire, 8
Ils en font un recueil entier 8
35 Que publiera, s'il le désire, 8
Notre ami Georges Charpentier. 8
L'œil irisé comme une perle, 8
Fin comme un pastel de Renoir, 8
Sous les arbustes flâne un merle 8
40 Du meilleur monde, en habit noir. 8
Austère et lisse, il doit écrire 8
Dans quelque Journal des Débats, 8
Où l'on trouve bien de quoi frire ; 8
Il est correct, il a des bas. 8
45 C'est un seigneur, du cant esclave ! 8
Mais l'oiselet musicien 8
Dit : Évitons cet oiseau grave, 8
C'est un académicien. 8
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