Métrique en Ligne
BAN_17/BAN700
Théodore de BANVILLE
DANS LA FOURNAISE
Dernières Poésies
1892
Soleil couchant
Dans la rouge fournaise et les brasiers fleuris 12
Le soleil couchant brûle au-dessus de Paris, 12
Tandis qu'entre les murs étouffants de la ville, 12
Une foule indolente, affairée et servile 12
5 De femmes étalant des ornements royaux 12
Et d'hommes ficelés et coiffés de tuyaux 12
Marche sur le bitume en file irrégulière, 12
Et que grouille au hasard la noire fourmilière. 12
Dans le ciel qui se fait un jeu d'associer 12
10 La douce rose avec des crudités d'acier ; 12
Dans le ciel éclatant de sang, d'or et de soufre 12
Se tord de désespoir tout un peuple qui souffre ; 12
Ce sont les Dieux, les rois, les guerriers, les vainqueurs, 12
Ceux qui donnent pour nous tout le sang de leurs cœurs. 12
15 Dans la flamme, pareille à des oranges mûres, 12
Ce sont les Dieux, casqués, mitrés, couverts d'armures, 12
Bourreaux du néant sombre et du marais hideux. 12
On les voit désolés et tristes. Autour d'eux, 12
Parmi les feux rougis, passent des chars qui roulent 12
20 Et des fleuves de feu dans la clarté s'écroulent. 12
Des animaux, chevaux, grands lions, aigles roux, 12
Brillent dans un éclair d'orage et de courroux ; 12
Et devant tous les rois apparaît, la première, 12
Une figure blanche et faite de lumière, 12
25 Dont le visage clair et pénétré de jour 12
Épand une clarté de douceur et d'amour. 12
Et les Dieux dans le ciel brûlant qui s'irradie 12
Se tordent, frémissants, mordus par l'incendie. 12
Sentant s'ouvrir pour eux le gouffre incandescent, 12
30 Ils exhalent enfin leur plainte, et s'adressant 12
A l'homme, qui n'a plus d'espoir ni de bravoure, 12
Cependant que la flamme atroce les entoure 12
Et dévore leurs fronts vermeils et leurs cheveux, 12
Ils disent : Nous mourons parce que tu le veux ! 12
logo du CRISCO logo de l'université