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Théodore de BANVILLE
SONNAILLES ET CLOCHETTES
1888
LVIII
Avril
Oh ! sois le bien venu, Printemps, 8
Ami joyeux qui nous accueilles ! 8
Fais voler tes cheveux flottants 8
Sous ton riant chapeau de feuilles. 8
5 Voici le doux mois, cet Avril 8
Qui sur l'asphalte, en son extase, 8
Fait briller le chrysobéryl 8
Et flamber la jaune topaze. 8
Mille rameaux pleins de bourgeons 8
10 Préparent leur folle parure, 8
C'est pourquoi, mes amis, songeons 8
A dépouiller notre fourrure. 8
Serrés par de légers vestons 8
Et de clair soleil idolâtres, 8
15 Les hommes, comme des festons, 8
Vont briller en taches folâtres. 8
Les Halles offrent leurs primeurs. 8
On peut admirer les asperges 8
Grosses, pour charmer les rimeurs, 8
20 Comme des bras de jeunes vierges. 8
Pareille aux flammes d'un brasier, 8
Ève, la jeune fleur éclose, 8
Sent, comme un bouton de rosier, 8
S'épanouir sa gorge rose. 8
25 Plus grisante que les raisins, 8
Elle va, par un art insigne, 8
Dans les divers Grands Magasins 8
Acheter sa feuille de vigne. 8
Prête à payer d'un seul radis 8
30 Le philosophe ennuyeux, comme 8
Autrefois, dans le paradis, 8
Elle aspire à manger la pomme. 8
O psychologue, esprit ouvert ! 8
Même, il faudrait que tu la visses 8
35 Grignoter, avant ce fruit vert, 8
Un tas de rouges écrevisses. 8
Pendant ces jours aventureux, 8
Le Printemps, secouant ses ailes 8
Sur tous les nids des amoureux, 8
40 Dit : En classe, mesdemoiselles ! 8
Cernay, c'est le pays charmant 8
Où l'on dit à Rose : Qu'a-t-elle ? 8
Irisé, le blanc diamant 8
Ruisselle de la cascatelle ; 8
45 Et Corot, qui fut dans le vrai, 8
Donne, en guirlandes ingénues, 8
Aux coteaux de Ville-d'Avray 8
Un chœur de Nymphes toutes nues. 8
Un pays vraiment enjoué 8
50 Vit dans la maritime Asnières, 8
Où l'on dit que parfois Chloé 8
Subit les injures dernières. 8
Là d'aventureux matelots, 8
Prodigues du temps qui s'envole, 8
55 Emportent sur l'azur des flots 8
Des personnes d'un goût frivole ; 8
Et, leurs beaux seins gonflés d'amour, 8
Les vagues apaisent l'orchestre 8
De leurs orageux sanglots, pour 8
60 Écouter les vers de Silvestre. 8
Nous sommes las de réfléchir : 8
Que notre âme enfin s'extasie ! 8
Doux Printemps, viens nous rafraîchir 8
Avec ton souffle d'ambroisie. 8
65 Vous voilà mûrs pour le repos, 8
Esprit banal qui nous écœures, 8
Vaudeville enflant tes pipeaux, 8
Et vous aussi, thés de cinq heures. 8
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