Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
SONNAILLES ET CLOCHETTES
1888
LIV
Chapeaux
Oh ! sur le divin boulevard, 8
Qui de l'univers est la moelle 8
Et qu'aime le Journal bavard 8
Que de chapeaux tuyau de poêle ! 8
5 Devant le soleil, ce doreur, 8
Sombres comme des Érinnyes, 8
Ils resplendissent pleins d'horreur, 8
Ainsi que des bottes vernies. 8
Fourmillement de noirs tuyaux ! 8
10 Ils s'en vont jusqu'en Amérique, 8
On dirait les affreux boyaux 8
De quelque bête chimérique. 8
Bien que pour se faire admirer 8
Ils n'aient aucune fanfreluche, 8
15 Un blanc rayon vient se mirer 8
Dans leurs cylindres en peluche. 8
En leur pêle-mêle confus, 8
Ces indécentes colonnades 8
Par leurs abominables fûts 8
20 Déshonorent nos promenades. 8
Mais quoi ! séjour essentiel, 8
Où sont venus même les Kurdes, 8
Paris est charmant comme un ciel, 8
En dépit des chapeaux absurdes. 8
25 Là, — produit qui n'est pas trop cher 8
Quand on connaît le prix des choses, 8
Les amantes ont une chair 8
Liliale, et des bouches roses. 8
Que de neige en fleur ! que de lys ! 8
30 Et quant aux spectacles féeriques, 8
Ils sont confiés, chez Salis, 8
A de bons poëtes lyriques. 8
Marteler, ciseler, forger 8
Dans une braise qui s'allume, 8
35 Ne jamais se décourager, 8
Torturer le fer sur l'enclume ; 8
Et dans les clairs métaux sertir 8
Le diamant et l'améthyste, 8
Voilà dans la moderne Tyr, 8
40 Le sort glorieux de l'artiste. 8
Puis, comme Ruy Blas, pour garder 8
En sa mémoire des richesses, 8
Il se délecte à regarder 8
Entrer et sortir les duchesses. 8
45 Tel est son droit et son devoir ! 8
Et leurs grâces, d'où naît la joie, 8
Le consolent très bien d'avoir 8
Contemplé des chapeaux de soie. 8
Enfin, un jour, vient le printemps, 8
50 Paris qui s'attife et respire, 8
Est plein d'esprits dans l'air flottants, 8
Comme la forêt de Shakspere. 8
Les vents mystérieux et doux 8
Ont éparpillé leurs crinières, 8
55 Et nous mettons des chapeaux mous, 8
Pour aller découvrir Asnières. 8
Courir comme la nymphe Io 8
Nous réjouit. Le flot se moire. 8
Chapeau luisant, chapeau tuyau, 8
60 Nous te reléguons dans l'armoire. 8
Et dans nos arbres pleins de fleurs, 8
Sous le soleil et les averses, 8
Les oiseaux chanteurs et siffleurs 8
Murmurent des choses diverses. 8
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