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Théodore de BANVILLE
SONNAILLES ET CLOCHETTES
1888
LIII
Les Femmes
Au lieu de nous mettre à genoux, 8
Prenons des airs quelque peu rogues 8
Et montrons du savoir ; car nous 8
Sommes devenus psychologues. 8
5 Nous savons, pour l'avoir appris, 8
Combien un cœur pèse de grammes, 8
Et de l'exactitude épris, 8
Nous connaissons très bien les femmes. 8
Charmeresses dont les baudets 8
10 Adorent la grâce éternelle, 8
Pour les ravir, elles ont des 8
Bosses, comme Polichinelle. 8
Deux bosses, d'où vient leur pouvoir ! 8
Mais par une saine doctrine, 8
15 Elles préfèrent les avoir 8
Toutes les deux, sur la poitrine. 8
Elles ont un œil décevant, 8
Les reines comme les ânières, 8
Et peuvent secouer au vent, 8
20 Comme les lions, des crinières. 8
Elles ont de très jolis nez 8
Impertinents, gais ou farouches, 8
Beaucoup de lys d'azur veinés, 8
Et des roses, qui sont leurs bouches. 8
25 Leur fine oreille, en beaux accords, 8
Charme par la grâce des lobes 8
Et sans nul effort, sur leur corps 8
On voit pousser de belles robes. 8
Pour que le gai printemps du ciel 8
30 Sur leur doux visage fleurisse, 8
Elles sont exemptes de fiel 8
Et fidèles à leur caprice. 8
Puis, ces reines au flanc divin, 8
Que de loin adore le pâtre, 8
35 Jettent des perles dans le vin, 8
Ainsi que leur sœur Cléopâtre. 8
Elles ont aussi beaucoup d'or 8
Sur leur dos svelte de cétoine 8
Et, tout comme elle, vont encor 8
40 Au Théâtre-Libre d'Antoine. 8
Au moral, quand s'enfuit le jour, 8
Las de rayonner sur nos vices, 8
Elles aiment d'un chaste amour 8
Le champagne et les écrevisses. 8
45 Nous craignons leurs courroux mignons, 8
Comme les vagues furieuses, 8
Et leurs voluptueux chignons 8
Sont des forêts mystérieuses. 8
Derrière elles, des sacripants 8
50 Marchent en bande familière, 8
Brillants et pareils à des paons 8
Échappés de quelque volière, 8
Ce sont les amants, damoiseaux 8
Corrects ; mais dans leurs friperies 8
55 Ils n'ont pas, comme ces oiseaux, 8
Une traîne de pierreries. 8
Non, ces amoureux sans festons, 8
Qui fredonnent leurs pauvres gammes, 8
A leurs incohérents vestons 8
60 N'ont pas de saphirs ; mais les femmes 8
Les complètent facilement, 8
Sirènes aux prunelles bleues, 8
Et par un ensorcellement, 8
C'est elles qui leur font des queues. 8
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