Métrique en Ligne
BAN_16/BAN676
Théodore de BANVILLE
SONNAILLES ET CLOCHETTES
1888
XLIII
Pégase
Le poëte qui dans l'extase, 8
O Muse, fait ce que tu veux, 8
Est monté sur le blanc Pégase, 8
En l'empoignant par les cheveux. 8
5 Au-dessus d'eux le ciel flamboie, 8
Et le cheval fier et subtil 8
Dit au poëte plein de joie : 8
Où dois-je aller ? Que te faut-il ? 8
Veux-tu le trône au dais de moire 8
10 Que l'homme regarde en rêvant, 8
Ou ce vain murmure, la gloire, 8
Qui s'éparpille dans le vent ? 8
Veux-tu suivre en ses nobles crimes 8
La Guerre au souffle meurtrier, 8
15 Ou sur ton beau front plein de rimes 8
Avoir l'ombre du noir laurier ? 8
Traversant la mer inféconde, 8
Plus rapide que le zéphyr, 8
Tu pourras dépouiller Golconde 8
20 Et cueillir les perles d'Ophir ! 8
Je puis te donner une Omphale 8
Aux cheveux baisés par le jour, 8
Et la richesse triomphale, 8
Et ce que l'on appelle : Amour ! 8
25 Et tu n'as qu'à parler, poëte, 8
Pour vêtir de riches habits, 8
Si tu veux boire un vin de fête 8
Dans une coupe de rubis. 8
En ta colère impétueuse, 8
30 Tu verras tomber sur ton flanc 8
Une pourpre voluptueuse, 8
Ayant le rouge éclat du sang. 8
Tu peux tenir ma chevelure 8
Qui frissonne en tes blanches mains. 8
35 Rien ne ralentit mon allure 8
Et je connais tous les chemins. 8
J'arrive, d'une aile guerrière, 8
Jusqu'aux Dieux, sur le pavé d'or. 8
Tout me cède, et nulle barrière 8
40 Ne peut arrêter mon essor. 8
Je sais voler comme les aigles 8
Et bondir comme les lions, 8
Sans briser le rhythme et ses règles. 8
Où te plaît-il que nous allions ? 8
45 Ainsi parle, voix ingénue, 8
Pégase, le hardi cheval 8
Qui dans l'orage et dans la nue 8
Devance l'éclair, son rival. 8
Déchirant l'azur et le soufre, 8
50 Il dit encor, dans la rumeur 8
Des astres, et dans l'or du gouffre : 8
Où vais-je te mener, rimeur ? 8
Et le poëte, en ses prunelles 8
Ayant le ciel oriental 8
55 Brillant de clartés éternelles, 8
Dit : Tu sais bien. A l'hôpital ! 8
logo du CRISCO logo de l'université