Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
SONNAILLES ET CLOCHETTES
1888
XLII
Pessimisme
Psychologues à l'œil subtil, 8
Analystes et pessimistes, 8
Afin d'en extraire un plomb vil, 8
Tourmentez l'or, ô bons chimistes ! 8
5 Pour moi, je ne pratiquerai 8
Jamais votre culte barbare. 8
Au contraire, j'invoquerai 8
Les Grâces, comme a fait Pindare. 8
Et séduisant par mon brio 8
10 Les cieux rouges et pleins de roses, 8
J'interrogerai le trio 8
De ces déesses grandioses. 8
Vous êtes vraiment dégoûtés ! 8
Je ne sais dans quelle Sorbonne, 8
15 Tristes songeurs, vous écoutez 8
Une leçon qui n'est pas bonne. 8
Ah ! dans les rayons triomphants, 8
Petites âmes vagabondes, 8
Regardez jouer les enfants 8
20 Avec leurs chevelures blondes. 8
Sur cette terre, où vous errez 8
Comme dans une vile auberge, 8
Regardez, lorsque vous pleurez, 8
Le pur sourire d'une vierge ! 8
25 Prêts à bondir sur le tremplin 8
Où vous pousse votre folie, 8
Affirmant que le vin est plein 8
De lie et de mélancolie, 8
Vous dites : N'en buvons jamais ! 8
30 Je hasarde cette hypothèse : 8
Le vin est délicieux, mais 8
Vous avez la bouche mauvaise. 8
Ne dévisagez pas les cieux 8
Avec des prunelles hautaines. 8
35 C'est toujours la Muse aux beaux yeux 8
Qui nous parle dans les fontaines. 8
Les femmes, prétend votre humour, 8
Ensanglantent leurs bras de nacre, 8
En aidant le féroce Amour 8
40 A vulgariser le massacre. 8
Vous affirmez que ce boucher 8
Leur doit ses plus belles recettes. 8
On peut cependant les toucher 8
Autrement qu'avec des pincettes. 8
45 Parmi les fleurs que nous pillons, 8
Dans le bois hanté par les faunes, 8
De jolis vols de papillons 8
Font palpiter leurs ailes jaunes. 8
Non, monsieur, l'homme ne me plaît 8
50 Pas du tout, l'homme ni la femme, 8
Disait jadis le prince Hamlet, 8
Qui chantait fort bien cette gamme. 8
Le zéphyr turbulent dans l'air 8
Frissonne et se tourne en volute. 8
55 Laisse-moi, bon Schopenhauer, 8
Te régaler d'un air de flûte. 8
Par ce beau soir plein de fraîcheurs, 8
Sur le feuillage et dans les nues 8
Partout se glissent des blancheurs 8
60 Et de chastes figures nues. 8
Blanc cheval sans bride et sans mors, 8
Porte-moi vers les belles fêtes, 8
Car les Dieux ne seront pas morts 8
Tant qu'il restera des poëtes. 8
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