Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
SONNAILLES ET CLOCHETTES
1888
XXXIV
Visite
Ah ! pour nos prunelles ouvertes, 8
Le divin spectacle vermeil, 8
Ce triomphe de feuilles vertes 8
Éclaboussé par le soleil ! 8
5 On voit sur les folles verdures 8
Les diamants que la pluie a. 8
Nous oublions nos peines dures : 8
Tout ressuscite. Alléluia. 8
Dans les palais et dans les bouges, 8
10 Les lèvres pleines de frissons 8
Disent : Voyez, nous sommes rouges ! 8
Et les seins blancs : Nous fleurissons ! 8
En chaque toilette qui passe 8
Faisant voler un gai jupon, 8
15 Se mire, traversant l'espace, 8
Le paradis clair du Japon. 8
Un seigneur qui jamais n'hésite, 8
Plein de folie et l'œil riant, 8
Vient ici nous rendre visite, 8
20 Vêtu comme un roi d'Orient. 8
Le poëme effréné qu'il chante 8
Ne fut nullement expurgé ; 8
Sa bouche de rose est méchante. 8
En un mot, c'est un insurgé. 8
25 Parfumé comme un flot d'essence, 8
Il n'a pas le moindre souci 8
De ce qu'on nomme : la décence, 8
Et fièrement il dit ceci : 8
Paris ! les portes étant closes, 8
30 Un capricieux démon t'a 8
Montré Gilles marchand de — roses 8
Et vers toi le parfum monta. 8
Moi, je suis le marchand de joie ! 8
En vain l'âpre hiver m'isola ; 8
35 Il me plaît qu'ici tout rougeoie, 8
Comme un chapitre de Zola. 8
Je m'ébats dans la clarté rousse, 8
Caparaçonné de pompons, 8
Et devant moi la brise trousse, 8
40 Les demoiselles sur les ponts. 8
Toujours nous nous servirons d'elles 8
Pour admirer l'azur des cieux. 8
Puisque voici les hirondelles, 8
Poussons des cris séditieux. 8
45 Je vole partout, sans paresse. 8
La Chimère qui griffe aurait 8
L'heur de me plaire, et je caresse 8
Titania dans la forêt. 8
Dans la lumière pénétrante 8
50 Je vide mes brillants écrins. 8
De même qu'en mil huit cent trente 8
Les romantiques à tous crins, 8
Ayant sur mon front une raie, 8
Je porte des cheveux flottants 8
55 Comme ceux de Lapommeraye. 8
Car je suis le nommé Printems ! 8
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