Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
SONNAILLES ET CLOCHETTES
1888
XIII
Le Froid
Dans le ciel noir, plein d'échancrures, 8
Il volait tristement, vêtu 8
D'un gros paletot de fourrures, 8
Et je lui dis : Qui donc es-tu ? 8
5 Affublé d'un passe-montagne, 8
On ne lui voyait que les yeux. 8
Oh ! que le bonheur t'accompagne, 8
Lui dis-je, oiseau mystérieux ! 8
Volant toujours à perdre haleine 8
10 Dans les cieux tarabiscotés, 8
Il avait de gros gants de laine 8
Avec de gros doigts tricotés. 8
Je dis : Toi que l'ouragan fête, 8
Voyageur pâle, exempt d'humour, 8
15 Comment te nomme-t-on ? — Poëte, 8
Dit-il, moi, le féroce Amour, 8
Qui connais bien toutes les banques, 8
Je me fais voir, — ô sort fatal ! 8
Laid comme, dans Les Saltimbanques, 8
20 On voit le nommé Ducantal. 8
Je suis Amour, dieu de Cythère, 8
Du moins, je l'ai toujours été. 8
Mais, rimeur, on ne peut se taire, 8
Nous avons un bizarre été. 8
25 Je sais que je devrais, en somme, 8
Possédant la blancheur du lys, 8
Me montrer strictement nu, comme 8
La main de Rose ou de Philis. 8
Mon front n'a subi nulle tonte, 8
30 Et je ne me sens pas plus vieux 8
Que naguères, dans Amathonte ; 8
Mais le temps est trop pluvieux. 8
Je ris, je pleure, je sanglote ; 8
Ce qui ravit les cœurs, je l'ai ; 8
35 Mais pour le moment, je grelotte 8
Et j'ai le bout du nez gelé. 8
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