Métrique en Ligne
BAN_15/BAN619
Théodore de BANVILLE
ROSES DE NOËL
1878
Feuilles mortes
Eh bien ! si dans mes jours arides 8
Tout fut mensonge et vanité, 8
Je vois ton calme front sans rides 8
Que pare la sérenité. 8
5 Mère toujours belle et chérie, 8
Qui m'as donné l'espoir, la foi, 8
L'amour, ma voix souvent flétrie 8
Est jeune pour parler de toi ! 8
Parmi le tumulte des choses 8
10 Les jours peuvent fuir pas à pas 8
En effeuillant nos pâles roses ; 8
Les ans ne te vieillissent pas. 8
Et laisse-moi que je t'admire ! 8
Sur ton visage qui sourit 8
15 D'un imperceptible sourire, 8
Brille la flamme de l'esprit. 8
O mère, par qui fut bercée 8
Mon enfance, (le temps moqueur 8
En passant l'a vite froissée,) 8
20 Mère adorable de mon cœur ! 8
Ton regard où le mien se noie, 8
Après tant de jours égrenés, 8
Reste encor la meilleure joie 8
De ces yeux que tu m'as donnés. 8
25 Mère, le mot qui nous console 8
De nos trésors anéantis, 8
C'est toujours la même parole 8
Qui nous endormait tout petits. 8
Je m'enivrais, ô cher mensonge ! 8
30 D'espoirs vainement caressés. 8
Que me reste-t-il, quand j'y songe ? 8
Tu m'aimes ! c'est bien. C'est assez. 8
Je suivais l'ombre insaisissable ; 8
J'ai vécu, j'ai chanté mes vers, 8
35 J'ai fait des escaliers de sable 8
Pour atteindre les rameaux verts ! 8
Mes il fallait des mains plus fortes, 8
Et mon bras, vers le ciel tendu, 8
N'a trouvé que des feuilles mortes 8
40 Au lieu du laurier attendu. 8
Ici-bas, où rien ne s'achève, 8
Où chaque espoir tombe et s'enfuit, 8
Toutes le roses de mon rêve, 8
S'effeuillent, au vent de la nuit ; 8
45 Mais ce bien charmant et suprême, 8
Ce talisman qui me défend, 8
Ton amour est resté le même 8
Pour moi, ton fils, non, ton enfant. 8
logo du CRISCO logo de l'université