Métrique en Ligne
BAN_14/BAN597
Théodore de BANVILLE
RIMES DORÉES
1875
A Charles Desfossez
Puisqu'il faut songer au trépas 8
Quand on a fini sa ballade, 8
Docteur, ne me guérissez pas : 8
Depuis trente ans, je suis malade ! 8
5 J'ai le mal divin et mortel 8
D'aimer toutes les belles choses, 8
Et de frémir comme à l'autel 8
Devant la majesté des roses. 8
J'ai le mal de croire au ciel bleu 8
10 Où, quand ma raison perd ses voiles, 8
Je vois distinctement un Dieu 8
Mener les chariots d'étoiles. 8
Dans mon délire je revois 8
Ces longs fleuves bordés de vignes 8
15 Où les flots à la douce voix 8
Charmaient les lauriers et les cygnes, 8
Et je cherche l'horizon pur 8
Où, dans leurs graves symétries, 8
Blanchissaient, éclairant l'azur, 8
20 Les temples et les théories. 8
Ne me guérissez pas, docteur, 8
Pour qu'ensuite je me promène, 8
Insoucieux et triste acteur, 8
Au milieu de la farce humaine. 8
25 Si jamais, sous un vil manteau, 8
Histrion des frivoles haines, 8
Je me mêlais sur un tréteau 8
Aux diseurs de paroles vaines, 8
Si je devenais comme eux tous 8
30 Un bouffon que la Muse évite, 8
Accourez alors, hâtez-vous, 8
Cher docteur, guérissez-moi vite ! 8
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