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Théodore de BANVILLE
RIMES DORÉES
1875
Conseils à un Écolier
Charles-Quint, dans un fier poëme, 8
Louait comme excellent collier 8
Les deux bras de celle qu'on aime ; 8
Il avait raison, Écolier. 8
5 Puisque Avril a chassé les neiges, 8
Parlons d'amour, tandis qu'au bal 8
Ce printemps mène ses cortèges, 8
Car rien n'est plus original. 8
Au Luxembourg, qu'ils réjouissent, 8
10 Les oiselets pour matelas 8
Prennent les arbres qui fleurissent, 8
Les marronniers et les lilas ; 8
Et nos âmes se sont ouvertes 8
A l'heure où brillent, voyez-les, 8
15 Au beau milieu des feuilles vertes, 8
Les jolis thyrses violets. 8
Heureux celui qui, sans paresse, 8
L'œil clair et les cheveux flottants, 8
Dit ces mots si doux : Ma maîtresse, 8
20 Avec des lèvres de vingt ans ! 8
Ces jours-ci, (je suis à cent lieues 8
De prétendre qu'il fait trop chaud,) 8
Comme un sein ferme aux veines bleues 8
Sort galamment de son cachot ! 8
25 Et, quoi que rabâche la Prose 8
En sa juste sévérité, 8
Ces lys blancs, ce bouton de rose 8
Sont l'éternelle vérité. 8
Écolier, si je te devine, 8
30 Si cet Avril rit dans ton sang, 8
Admire une jambe divine 8
Quand s'écarte le peignoir blanc ; 8
Dis lanlaire à l'Académie, 8
Où sommeille un art ingénu ; 8
35 Demeure aux genoux de ta mie, 8
Et baise longtemps son pied nu. 8
Bois aussi : le Vin est féerique ! 8
Ronsard, le grand aïeul divin, 8
S'écriait d'un beau ton lyrique : 8
40 En ces roses versons ce vin. 8
Quand le ciel, de façon narquoise, 8
Pour échauffer l'homme transi, 8
Brillait en habit de turquoise, 8
Comme il a fait tous ces jours-ci, 8
45 Le rimeur, oubliant Pergame, 8
Buvait le meilleur du cellier 8
En rimant des vers pour sa dame : 8
Il avait raison, Écolier. 8
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