Métrique en Ligne
BAN_13/BAN554
Théodore de BANVILLE
OCCIDENTALES
1875
Pénélope et Phryné
A Charles Marchal
D'autres peindront, sur les sommets, 8
Cythérée ou bien sainte Thècle, 8
Ou César victorieux ; mais, 8
En véritable enfant du siècle, 8
5 Pour nous charmer, le blond Marchal, 8
Dont la couleur est fort congrue, 8
Cette fois à son fil d'archal 8
Suspend la Cocotte et la Grue. 8
C'est-à-dire, ô gens de Passy, 8
10 Tout le bonheur que nous voulûmes ; 8
Toute l'âme de ce temps-ci 8
Représentée en deux volumes. 8
Pénélope aux chastes bandeaux, 8
Qu'avec respect le démon tente, 8
15 Cache sa poitrine et son dos 8
Sous sa belle robe montante, 8
Et, sous ses lambris fleuronnés, 8
Voile dans les plis d'une guimpe 8
Deux monts sauvages, couronnés 8
20 De neiges, ainsi qu'un Olympe. 8
Elle coud, d'un geste humble et doux, 8
Avec des airs de sœur tourière ; 8
Total : quinze mille francs, tous 8
Les six mois, chez la couturière. 8
25 Méprisant le Niagara 8
Pour sa chute, — elle est tourterelle 8
Et pleure, et son mari sera 8
Philémon, — s'il n'est Sganarelle ! 8
Quant à Phryné, toute à l'Amour 8
30 Qu'elle tient captif en son antre, 8
Elle a la taille courte, pour 8
Donner plus d'importance au ventre. 8
Elle s'orne d'un lourd chignon 8
Que baisent des rayons frivoles ; 8
35 Sur son front naïf et mignon 8
Court un fouillis de mèches folles ; 8
Puis, sur son dos voluptueux, 8
Mais net comme la bonne prose, 8
Dégringolent de somptueux 8
40 Tire-bouchons couleur de rose, 8
Et sa robe, pour des desseins 8
Qu'on ne peut croire pacifiques, 8
Montre à nu le dos et les seins 8
Ainsi que les bras magnifiques. 8
45 Sa ceinture, — qui nous promet 8
Tout, — a l'air, fière et sans vergogne, 8
Du grand cordon que Wateau met 8
Au tout petit duc de Bourgogne ; 8
Bref, adorable au premier chef ! 8
50 Mais le malheur, c'est qu'elle mange 8
De l'or et du papier joseph, 8
Et qu'elle s'en nourrit, pauvre ange ! 8
Double régal pour Amadis 8
Errant dans la campagne verte, 8
55 Pénélope a l'air d'un grand lys 8
Et Phryné d'une rose ouverte. 8
Chez nous, en pleine floraison, 8
En jupe austère, en folle cotte, 8
Nous avons, — Marchal a raison, 8
60 La Grue et l'aimable Cocotte. 8
Double trésor, double présent 8
Que le poëte ne diffame 8
Jamais ! — Seulement, à présent, 8
Marchal, on demande… la Femme ! 8
65 Quant à l'Homme… — vœux superflus ! 8
Je crois qu'en ce Paris sans gêne, 8
Toi-même, tu ne songes plus 8
A le chercher, ô Diogène ! 8
Quoi ? tu le cherches encor ! — Si 8
70 Tu m'en crois, il est, j'imagine, 8
Bien loin, bien loin, bien loin d'ici, 8
Oh ! plus loin que l'île d'Égine ! 8
Dans quelque désert écarté, 8
Au delà des routes communes, 8
75 Où sont la sainte Liberté, 8
Les chefs-d'œuvre… et les vieilles lunes ! 8
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