Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
OCCIDENTALES
1875
Le Lion amoureux
Dans l'enceinte où Joseph Prudhomme 8
Triomphe, entouré d'amis siens, 8
Où dorment leur éternel somme 8
Les doux académiciens, 8
5 Où, pour nos suprêmes délices, 8
Faisant de la prose et des vers, 8
Ils protègent leurs crânes lisses 8
Par de vastes abat-jour verts, 8
On attendait, tout pâle encore 8
10 De sa longue rébellion, 8
L'orateur au verbe sonore, 8
L'homme à la face de lion. 8
Près des fenêtres entr'ouvertes, 8
On disait : — Oh ! lorsqu'en ces murs 8
15 Où pendent les perruques vertes 8
De ces immortels déjà mûrs, 8
Sa voix révolutionnaire, 8
Pleine de courroux et de foi, 8
Éclatera comme un tonnerre, 8
20 Certes ils vont mourir d'effroi ; 8
Et, comme si La Marseillaise, 8
Ici tout à coup se levant, 8
Pour évoquer l'âme française 8
Embouchait son clairon vivant, 8
25 On va voir ces minces fantômes, 8
Aux vieux monuments assortis, 8
Rentrer dans les feuillets des tomes 8
Dont ils sont indûment sortis ! 8
Ou, troupe de corps dénuée, 8
30 Ils vont, au sein des cieux déserts, 8
Se dissiper dans la nuée, 8
Se dissoudre parmi les airs ; 8
Et l'on verra, — coups d'œil féeriques ! 8
Aux pays par Hoffmann rêvés 8
35 Fuir les Villemains chimériques 8
Avec les vagues Legouvés ! 8
C'est ainsi qu'un brillant cortège 8
Plaignait, arrivé de Saint-Flour, 8
Ces birbes, dont le front de neige 8
40 S'embellit d'un vert abat-jour, 8
Quand il entra, lui, le grand maître 8
Des mots magnifiques et clairs, 8
Qui les réduit aux lois du mètre, 8
Et dont les yeux sont pleins d'éclairs ; 8
45 Lui, devant qui l'Intrigue tremble 8
Avant même qu'il n'ait parlé, 8
Et dont la grande voix ressemble 8
A l'ouragan échevelé. 8
O surprise rare et dernière ! 8
50 Comme Sylvandre il avait mis 8
Des fleurettes dans sa crinière, 8
Pour plaire à ses nouveaux amis ! 8
Comme toujours, il parlait juste, 8
Et même il chantait en bon fils 8
55 La Liberté, sa mère auguste, 8
Mais sur la flûte de Tircis ! 8
Dieux ! voir le titan de l'abîme 8
Verser du cassis de Dijon ! 8
Voir passer le lion sublime 8
60 En habit gorge de pigeon ! 8
Si bien qu'à présent Jules Favre, 8
Jouet d'ironiques destins, 8
Est en tous lieux (ceci me navre) 8
Célébré par les Philistins ! 8
65 Lui, le prince de la parole, 8
Voilà d'où viennent mes ennuis, 8
Il est applaudi par Dréolle… 8
Oh ! cachez-moi, profondes nuits ! 8
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