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Théodore de BANVILLE
OCCIDENTALES
1875
Le Siècle à Aiguille
I
Donc, le progrès futur à mes yeux se dévoile, 12
Plus rien que des soldats. O bonheur inconnu ! 12
Je vois le charcutier et le marchand de toile 12
Couper leur marchandise avec un sabre nu ! 12
5 Tous militaires. Quelle noce ! 8
Même Polichinelle. Oui, je le vois d'ici 12
Troupier, avec sa double bosse. 8
On prend le cul-de-jatte aussi. 8
La France tout d'abord se transforme en caserne, 12
10 Puis l'Europe. O destin miraculeux et doux ! 12
Tout citoyen va naître avec une giberne, 12
Et le vaste univers est peuplé de Bridoux ! 12
Beau spectacle pour l'incrédule ! 8
La plaine murmurante, où ce n'étaient qu'épis 12
15 Et bluets, maintenant ondule, 8
Vivante moisson de képis. 8
En avant ! Portons arme ! Allons, soyons suaves, 12
Troubadours ! emboîtons le pas, et de l'entrain ! 12
Allons, hussards, lanciers, carabiniers, zouaves, 12
20 Grenadiers, artilleurs, chasseurs, soldats du train ! 12
Un sabre attaché sur la jambe, 8
En marche ! Croisons…ette, et soyons triomphants, 12
Éteignons le foyer qui flambe ; 8
Plus de familles, plus d'enfants ! 8
25 Quand Chassepot, donnant le dernier coup de lime, 12
Eut créé ce fusil qui de tous est le roi, 12
Il lui cria, joyeux, avec un air sublime : 12
L'avenir, l'avenir, l'avenir est à toi ! 12
C'est juste. Adorons sans grimace 8
30 Ses chefs-d'œuvre, malgré Dreyse et Bonnin choisis, 12
Mes frères, et partons en chasse, 8
Puisque nous avons des fusils ! 8
Oui, nous serons chasseurs, mais pour les Filandières, 12
Et non pas comme Blaze ou Bénédict Révoil : 12
35 Nous aurons des petits avec les vivandières, 12
Et nous les bercerons dans des bonnets à poil ! 12
II
Gloire, Liberté sainte, ô déesses jumelles, 12
D'un vol égal, jadis, vous ouvriez vos ailes ! 12
Par le même chemin, 6
40 Les vieilles nations, de leur joug harassées, 12
Ensemble vous voyaient apparaître embrassées 12
Et vous tenant la main. 6
Vous leur portiez la foi, l'espérance, l'idée, 12
Et, dans ce grand réveil, leur âme, fécondée 12
45 Par l'affranchissement, 6
Échappant, comme en rêve, au passé misérable, 12
S'émerveillait de voir votre accord adorable, 12
Fraternel et charmant ! 6
Et, cheveux dénoués, chantant La Marseillaise, 12
50 On vous voyait gravir, d'un pied frissonant d'aise, 12
Les plus âpres sommets, 6
Et l'éclatante Aurore était votre courrière ! 12
A présent votre pacte est rompu. La guerrière 12
Va seule, désormais. 6
55 Aussi lorsqu'elle vient vers quelque peuple austère, 12
Le glaive en main, faisant résonner sur la terre 12
Son pied envahisseur, 6
Qu'on entend ses clairons mugir sur chaque roche, 12
Et qu'elle dit : Prends-moi, je suis à toi ! — Gavroche 12
60 Lui demande : Et ta sœur ? 6
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