Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
OCCIDENTALES
1875
Chez Monseigneur
I
Un berger vaut mieux qu'un loup ; 7
C'est pourquoi, viens-t'en, mon Ode, 7
Chez monseigneur Dupanloup, 7
Qui, désormais, fait la mode. 7
5 Dès l'antichambre, on entend 7
Comme une catilinaire 7
Gronder, tumulte éclatant ; 7
C'est sa voix, ou le tonnerre. 7
Que chantent ces durs clairons 7
10 Aux sinistres embouchures ? 7
Qu'importe, ma Muse, entrons. 7
Dieu puissant ! que de brochures ! 7
Vois Monseigneur. Il écrit, 7
Il parle, il prie, il menace, 7
15 Il pleure, il mande, il proscrit ; 7
Comme il met tout dans sa nasse ! 7
Lettres pour mille journaux, 7
Foudres contre les sectaires, 7
Il dicte, en ses arsenaux, 7
20 A quatorze secrétaires, 7
Et, digne d'être Romain, 7
Il corrige, — ô façons neuves ! 7
Le genre humain d'une main, 7
Et de l'autre ses épreuves. 7
25 Mais voici qu'avec des cris, 7
Près de sa table que bordent 7
Ces vastes amas d'écrits, 7
Trente messagers l'abordent. 7
II
Monseigneur ! — Qu'est-ce ? — Un journal, 7
30 Sans doute pris de folie, 7
Redit son thème banal 7
Et veut garder l'Italie. 7
Bien. Vite, écrivez. Je veux 7
Lui verser de tels flots d'encre 7
35 Que ni lui, ni ses neveux 7
Ne sachent où jeter l'ancre ! 7
Monseigneur ! — Qu'est-ce ? — Au prochain 7
Scrutin de l'Académie, 7
On veut soutenir Machin. 7
40 C'est bien. Sus à l'ennemie ! 7
Écrivez jusqu'à la mort ! 7
Vite, des kilos de prose ! 7
Porter Machin, c'est trop fort, 7
Quand je prétends nommer Chose ! 7
45 Monseigneur, monsieur Duruy 7
A forcé toutes nos grilles, 7
Et, plus subversif qu'un Ruy 7
Blas, veut instruire les filles ! 7
Feu, tous ! Rangeons sous nos lois 7
50 Cet amant d'une chimère, 7
Qui veut mener à la fois 7
Tant de filles chez le maire ! 7
Oui, c'est à nous d'abriter 7
La jeune fille indécise. 7
55 On sait qu'elle doit rester 7
Sur les genoux de l'Église ! 7
Monseigneur ! — Eh ! qu'est-ce encor ? 7
Le diocèse… — A nos filles ! 7
Ai-je le loisir, butor, 7
60 De songer à des vétilles ? 7
Écrasons le suborneur, 7
Vite, qu'on se mette à l'œuvre ! 7
Lors, de nouveau Monseigneur 7
Commande aux siens la manœuvre, 7
65 Et, promptes à copier 7
Et versant leurs amertumes, 7
On entend sur le papier 7
Grincer les quatorze plumes. 7
III
Il fut un temps, — loin de nous ! 7
70 Où la crosse était houlette, 7
Où le pasteur, calme et doux 7
Sous sa pourpre violette, 7
Avait pour unique soin 7
(Il n'allait pas en carosse !) 7
75 De garder son troupeau, loin 7
Des loups à la dent féroce. 7
Il l'abritait, soucieux, 7
Contre l'orage qui passe 7
Devant la splendeur des cieux ; 7
80 Quand la brebis était lasse, 7
Il la prenait, — soin charmant ! 7
Parmi l'herbe, ou sous le saule, 7
Puis alors, tout doucement 7
La posait sur son épaule. 7
85 Pour gravir les durs sommets, 7
Il portait son ouaille en frère : 7
Oui, sur ses épaules ! — Mais 7
A présent, c'est le contraire. 7
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