Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
OCCIDENTALES
1875
Le Thiers-Parti
Muse, enflons notre voix pour un chant relatif 12
Aux cités. Suis la verte Seine 8
Et gravis l'escalier du Corps Législatif, 12
Où nous transportons notre scène. 8
5 Comme notre œil, après le soleil d'un beau jour, 12
Admire encore un clair de lune, 8
L'autre mois, fier et pâle avec son nez d'autour, 12
J'ai revu Thiers à la tribune. 8
Oh ! même en ce temps-ci, qu'il me semble étonnant ! 12
10 Comme il était superbe et comme 8
Il avait des façons de Zeus, le Roi-Tonnant, 12
Et de Monnier et de Prudhomme ! 8
Sa lèvre, dont l'accent est resté ferme et sûr, 12
Découpait, en faveur du pape, 8
15 Des variations, comme l'on en fait sur 12
Les fameux pianos de Pape. 8
Il disait : Réclamons ce qui nous est dû chez 12
Nos voisins, envoyons la note ! 8
Lacérons l'Italie en un tas de duchés ; 12
20 A quoi bon garder cette botte ? 8
Chacun des ducs prendra son lopin, comme il sied 12
Afin qu'ils gardent leur prestige ; 8
Celui-ci le talon, d'autres le cou-de-pied 12
Et les plus grands auront la tige ! 8
25 Or, comme Thiers parlait ainsi, faisant des parts 12
De la proie ample et colossale, 8
Un grand fantôme triste aux beaux cheveux épars 12
Entra tout à coup dans la salle. 8
C'était la Liberté. La déesse aux yeux clairs 12
30 Et profonds comme l'eau d'un golfe, 8
Marcha sur l'orateur environné d'éclairs, 12
Et dit ces mots : Eh bien, Adolphe ? 8
Alors, visiblement offensé, monsieur Thiers 12
Répondit à cette déesse : 8
35 Ne me compromets pas ainsi devant des tiers ! 12
Tu fus, il est vrai, ma maîtresse ; 8
Mais ces jours ne sont plus. Quand je t'ai fait présent 12
De mon amitié, j'étais jeune ; 8
J'avais bon appétit alors, mais à présent 12
40 Je fais comme Veuillot : je jeûne ! 8
Nos délires étaient un imbécile abus, 12
Mais rien n'est irrémédiable. 8
Épouse, il en est temps, le nommé Syllabus, 12
On prétend que c'est un bon diable ! 8
45 La déesse sortit, dédaigneuse et levant 12
Noblement sa tête sacrée, 8
Tandis que Thiers, farouche et souffletant le vent, 12
Buvait son verre d'eau sucrée. 8
Et moi qui l'ai pu voir chassant d'un cœur gelé 12
50 Sa vieille maîtresse incommode, 8
Bon collectionneur de papillons, je l'ai 12
Cloué tout vivant dans cette ode, 8
Afin de l'y montrer, posant pour ses amis, 12
Plus sec que les sables d'Olonne, 8
55 Dans la pose héroïque où le sculpteur a mis 12
Napoléon sur la colonne. 8
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